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race, où tous les hommes libres se rendaient en armes, et délibéraient sur les affaires publiques ? Sans doute, nous ne désirons pas aujourd’hui une liberté orageuse, qui, ayant besoin du concours général et presque constant d’une foule immense d’individus, ne pourrait subsister qu’en rétablissant aussi, à l’exemple de nos ancêtres, la servitude domestique, et celle de la glèbe ; afin qu’en l’absence de la plupart des hommes libres, les esclaves prissent soin de nos terres et de nos maisons. Nous ne désirons pas une liberté sans règle, qui place l’autorité arbitraire dans la multitude, la dispose à l’erreur, à la précipitation, appelle l’anarchie et le despotisme marchant toujours à sa suite, prêt à saisir sa proie.

Appellerons-nous constitution du royaume l’aristocratie féodale, qui, pendant si longtemps, a opprimé, dévasté cette belle contrée ?

Regretterons-nous le temps où les représentans du clergé, de la noblesse et des communes, appelés à de longs intervalles pour fournir des subsides au prince, présentaient des requêtes et des doléances, se laissaient interdire, par des arrêts du conseil, le droit de délibérer, laissaient subsister tous les abus, se livraient entre eux à de méprisables querelles, consolidaient l’esclavage au lieu de le détruire, et dévouaient leur patrie, par leur faiblesse, à tous les maux qu’ils savaient décrire dans leurs plaintes, et dont ils n’osaient entreprendre d’empêcher le retour ? Si c’est là l’exemple qui peut nous séduire, renonçons aux états-généraux : ils seront inutiles comme les précédens, ils seront des moyens de plus pour opprimer la France.

Choisirons-nous le temps qui s’est écoulé depuis 1614, c’est-à-dire celui où tous les droits ont été méconnus, où le pouvoir arbitraire a laissé la nation sans représentans ? Alors pourquoi serions-nous assemblés ? Pourquoi aurions-nous accepté la confiance de nos commettans ?

Mais nous ne perdrons pas un temps précieux à disputer sur les mots, si tous sont d’accord sur les choses. Ceux mêmes qui soutiennent que nous avons une constitution reconnaissent qu’il faut la perfectionner, la compléter. Le but est donc le même. C’est une heureuse constitution qu’on désire. Plaçons dans le corps de la constitution, comme lois fondamentales, tous les vrais principes. Répétons-les encore pour leur donner une nouvelle force, s’il est vrai qu’ils aient déjà été prononcés. Détruisons ce qui est évidemment vicieux. Fixons enfin la constitution de la France ; et quand les bons citoyens en seront satisfaits, qu’importe que les uns disent qu’elle est ancienne, et d’autres qu’elle est nouvelle, pourvu que, par le consentement général, elle prenne un caractère sacré ?

La plus grande partie des pouvoirs, et peut-être tous, nous imposent la nécessité de fixer la constitution du royaume, d’établir ou de déterminer les lois fondamentales pour assurer à jamais la prospérité de la France. Nos commettans nous ont défendu d’accorder des subsides avant l’établissement de la constitution. Nous obéirons donc à la nation, en nous occupant incessamment de cet important ouvrage.

Nous n’abandonnerons jamais nos droits ; mais nous saurons ne pas les exagérer. Nous n’oublierons pas que les Français ne sont pas un peuple nouveau, sorti récemment du fond des forêts pour former une association, mais une grande société de vingt-quatre millions d’hommes, qui veut resserrer les liens qui unissent toutes ses parties, qui veut régénérer le royaume, pour qui les principes de la véritable monarchie seront toujours sacrés. Nous n’oublierons pas que nous sommes comptables à la nation de tous nos instans, de toutes nos pensées ; que nous devons un respect et une fidélité inviolables à l’autorité royale, et que nous sommes chargés de la maintenir, en opposant des obstacles invincibles au pouvoir arbitraire.

Nous distinguerons, messieurs, parmi les objets qui nous sont recommandés ce qui appartient à la constitution, et ce qui n’est propre qu’à former des lois. Cette distinction est facile ; car il est impossible de confondre l’organisation des pouvoirs de l’état avec les règles émanées de la législation. Il est évident que nous devons nous considérer sous deux points de vue différens : en nous occupant du soin de fixer cette organisation sur des bases solides, nous agirons comme constituans, en vertu des pouvoirs que nous avons reçus : en