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LA TRIBUNE FRANÇAISE.
CONSTITUTION.
Travail du premier comité.
(9 juillet — 15 septembre 1789.)


I.
IDÉES GÉNÉRALES.


Ordre du travail par Mounier. — Rapport de Champion de Cicé. — Résumé des Cahiers par Clermont-Tonnerre.


Les députés réunis au Jeu de Paume, le 20 juin, avaient juré de « ne pas se séparer avant d’avoir donné à la France une Constitution. » Le 7 juillet un comité fut nommé pour préparer cet important travail : il était composé de Mounier, Talleyrand-Périgord, évêque d’Autun, l’abbé Sieyes, Clermont-Tonnerre, Lally-Tolendal, Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux, Chapelier et Bergasse.

Deux jours après l’installation du comité, le 9 juillet, Mounier présenta un rapport qui avait pour objet de déterminer l’ordre à suivre dans le travail. Voici ce rapport.


ORDRE DU TRAVAIL SUR LA CONSTITUTION.




Rapport de Mounier au nom du comité chargé du travail sur la constitution. (Séance du 9 juillet 1789.)


« Messieurs, vous avez établi un comité pour vous présenter un ordre de travail sur la constitution du royaume. Il va mettre sous vos yeux celui qu’il a jugé convenable ; et vous examinerez dans votre sagesse s’il peut répondre aux vues qui vous animent.

Pour former un plan de travail sur un objet quelconque, il est nécessaire de l’examiner sous ses principaux rapports, afin de pouvoir classer les différentes parties. Comment établir leur liaison successive, si l’on n’a pas saisi l’ensemble ?

Il a fallu nous faire une idée précise du sens du mot constitution ; et une fois ce sens bien déterminé, il a fallu considérer la constitution telle qu’elle peut convenir à un royaume habité par vingt-quatre millions d’hommes, telle qu’elle a été entrevue par nos commettans. Nous avons pensé qu’une constitution n’est autre chose qu’un ordre fixe et établi dans la manière de gouverner ; que cet ordre ne peut exister, s’il n’est pas appuyé sur des règles fondamentales, créées par le consentement libre et formel d’une nation ou de ceux qu’elle a choisis pour la représenter. Ainsi une constitution est une forme précise et constante de gouvernement, ou, si l’on veut, c’est l’expression des droits et des obligations des différens pouvoirs qui le composent.

Quand la manière de gouverner ne dérive pas de la volonté du peuple clairement exprimée, il n’a point de constitution ; il n’a qu’un gouvernement de fait qui varie suivant les circonstances, qui cède à tous les évènemens. Alors l’autorité a plus de puissance pour opprimer les hommes que pour garantir leurs droits. Ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés sont également malheureux. Sans doute nous ne pouvons pas dire qu’en France nous soyons entièrement dépourvus de toutes les lois fondamentales propres à former une constitution. Depuis quatorze siècles nous avons un roi. Le sceptre n’a pas été créé par la force, mais par la volonté de la