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moins, et votre ardeur à suivre ses exemples est une preuve de l’impression qu’ils faisaient sur vous.

Vous savez avec quelle intrépidité elle voyait approcher à pas lents cette mort, l’écueil des héros, et qui mit le comble à sa gloire.

Soustraite depuis quelques jours à vos regards, c’est surtout dans ces derniers instants qu’elle a montré une fermeté dont je vais vous faire le récit pour votre édification.

Détruite en détail, cette héroïne s’est toujours survécue à elle-même. Elle voyait peu à peu diminuer le nombre de ses membres, et son grand cœur n’en était point affaibli. Son âme, retranchée en cet endroit du corps, centre de la vie, où elle a semblé établir son siége, paraissait avoir abandonné la défense du reste pour veiller à cette partie précieuse.

Imaginez-vous un roi qui laisse piller son palais, et qui, immobile sur le trône, ne veut s’ensevelir que sous les ruines de ce dernier attribut de la majesté.

Mais, que vois-je, mes chères filles ! vos sanglots redoublent ! Ils me coupent la parole ! Et quoi, malheureuses ! Des pleurs stériles seront-ils l’offrande que vous présenterez au tombeau de votre concitoyenne ! Songez que si quelquefois les larmes sont une preuve de la bonté du cœur, elles le sont encore plus souvent de sa faiblesse.

Le dirai-je ? Je tremble que sous ces regrets que vous arrache le sort de Justine, vous ne déguisiez la crainte d’en éprouver un pareil. Ah ! Si mon soupçon était réel, mes chères filles, si quelqu’une de