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« Croyez-nous, cher rejeton de notre amour ; nous n’avons point d’intérêt de vous tromper en ce moment.

« Puisse cette maxime être à jamais gravée dans votre cœur ! Puisse-t-elle vous être rappelée sans cesse par l’image de notre mort ! »

À ces mots, les dignes parents de l’incomparable Justine ramassent leurs forces, ils s’entrelacent ; leurs âmes s’unissent, et ils expirent.

Le tableau était frappant.

Justine, d’un coup d’œil rapide, en saisit tous les traits.

Elle n’en exhala point sa douleur en vains soupirs ; elle n’en versa point de larmes inutiles.

Que le préjugé se taise ici ; respectons les actions d’une héroïne, et ne les mesurons point sur celles du faible vulgaire.

À l’aide du grossier artisan, constructeur du cercueil qui devait recevoir le corps des deux époux, sur cet autel funéraire, Justine offrit à leurs mânes un sacrifice plus doux pour elle et plus agréable pour eux[1].

Elle sentit alors l’utilité des avis d’un père et d’une mère mourants ; elle découvrit en elle une source intarissable de volupté : elle comprit qu’en lui dictant cette maxime, ses parents lui avaient laissé l’héritage le plus précieux.

Elle ne s’en tint pas à ces premiers essais ; ses succès s’étendirent bientôt ; sa réputation et sa beauté lui acquirent des esclaves distingués.

Tous les jours de sa brillante jeunesse étaient marqués par de nouveaux triomphes.

  1. (A) Selon George Interiano, Génois, les Scythes ou Tartares Circassiens croient si peu qu’il soit honnête de pleurer les morts, qu’une femme serait déshonorée chez eux, si elle était seulement convaincue d’avoir légèrement soupiré aux obsèques de son mari, auxquelles on a coutume, entr’autres réjouissances, de déflorer à la vue de tous les assistants une fille de 12 à 14 ans, comme pour narguer la nature.