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chêne avec votre bâton pour en faire tomber les fruits, et vous procurerez à votre bête les aliments dont elle a besoin pour se nourrir. »

Et, joignant le geste à la parole, il fit tomber les glands dru comme grêle sous les coups redoublés de son bâton.

« Juste ciel ! que vous êtes malin ! s’écria la paysanne. De quel pays êtes-vous donc pour avoir tant d’esprit ? »

Yaume ne répondit pas, et continua son voyage en se disant à part lui : Voilà une femme encore plus bête que la mienne !

L’orage, qui menaçait depuis longtemps, commençait à éclater et de grosses gouttes de pluie tombaient du ciel.

Comme il entrait dans un village pour chercher un abri, il aperçut une jeune fille qui pleurait de rage parce qu’elle ne pouvait parvenir à jeter dans un grenier, avec une fourche, des noix qui avaient été mises à sécher au soleil.

Le voyageur resta stupéfait devant ce tableau d’un nouveau genre.

« Quelle est donc, mon enfant, la cause de vos larmes ? » lui demanda-t-il.

— Vous le voyez bien, répondit la fillette de plus en plus furieuse de ne pouvoir réussir ; si je ne parviens pas à rentrer ces noix avant la pluie, elles vont être mouillées et ne se conserveront pas.

— Ce que vous dites là est vrai, reprit le meunier, mais n’auriez-vous pas, par hasard, un autre instrument qu’une fourche pour faire cette besogne, une pelle par exemple ?

— Si fait. Il y en a cinq ou six dans l’écurie en face de nous.

Le meunier se rendit au lieu désigné, prit une pelle, et dans quelques minutes, jeta lui-même toutes les noix dans le grenier.

La paysanne s’extasia sur l’adresse de l’étranger et l’invita à entrer dans la ferme pour se reposer un instant et laisser passer l’orage.


III.


La pluie ne dura pas longtemps. Le soleil reparut radieux. Le meunier prit congé de ses hôtes et, se rappelant sa promesse du matin qui consistait à revenir au moulin s’il rencontrait trois femmes aussi naïves que la sienne, il s’achemina vers sa demeure.

Ne vaut-il pas mieux, songeait-il en marchant, endurer chez soi les faiblesses d’esprit de sa femme que de s’en aller,