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mère : « C’est là la femme que vous m’avez choisie. Merci du cadeau ! Vous pouvez la garder pour vous. Quant à moi je pars, je quitte ce pays, témoin de mon malheur, pour aller au loin cacher ma honte. Je ne reviendrai, ajouta-t-il, que si je trouve trois femmes aussi bêtes que la mienne. »

Malgré les larmes de la jeune femme, et les supplications de sa mère, il partit sur-le-champ.


II.


C’était par une chaude journée de juillet et Yaume gravissait péniblement les coteaux, contrarié de ce qui venait de se passer, le cœur serré de quitter sa vieille mère et le pays qui l’avait vu naître.

Il marchait lentement par cette chaleur accablante.

En passant près d’un village, il vit dans un courtil une femme occupée à frotter des choux avec du saindoux.

— Que faites-vous donc ainsi, ma bonne femme ? lui demanda-t-il.

— Mais Monsieur, je graisse mes choux. Hier soir en dînant, notre homme me dit que les choux étaient maigres et pour qu’il ne fasse pas le même reproche aujourd’hui, je les couvrons de graisse comme vous voyez.

— Ma pauvre vieille, ce que vous faites là ou rien c’est la même chose. Mettez donc plutôt votre saindoux dans la marmite avec vos choux, et votre mari ne se plaindra pas.

— Vous avez p’t’être ben raison, tout de même, répondit la ménagère, qui se mit alors à réfléchir sur ce qu’elle devait faire.

Le meunier se dit en lui-même : « Le mari de cette femme n’est pas mieux partagé que moi ; sa moitié est aussi bête que la mienne. » Puis il continua sa route.

Un peu plus loin, il rencontra dans un chemin creux, au pied d’un arbre, une autre femme qui, avec un bâton, frappait un cochon de toutes ses forces.

« Pourquoi frappez-vous cet animal ? » lui demanda le meunier.

Parce qu’il ne veut pas monter dans ce chêne pour manger les glands qui s’y trouvent, et qu’il est maigre à faire peur, comme vous pouvez en juger.

— Grand Dieu ! que vous êtes simple ! s’écria Yaume. Votre cochon n’est ni un chat ni un écureuil pour pouvoir grimper aux arbres, et vous ne parviendrez jamais à l’y faire monter.

« Tenez, dit-il, faites comme moi, frappez les branches du