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CANTON DE LIFFRÉ

une sueur froide coulait sur son front, et il allait céder à la tentation quand il se souvint des recommandations que sa mère, en mourant, lui avait faites pour le salut de cette âme qu’on voulait lui acheter. Repoussant tout à coup le marché qu’il avait sous les yeux, il dit au diable : — Garde ton or, je ne signerai pas.

− À ta guise, répondit Satan, je vais aller offrir mes services à un seigneur de tes amis, qui, ruiné comme toi, ne refusera pas mes propositions et pourra ainsi non seulement recouvrer sa fortune mais encore acheter ton château et tes terres.

− Arrête, accorde-moi quinze ans de vie et le meilleur cheval de ton enfer pour me transporter où je voudrai.

− C’est convenu, ouvre-toi une veine et signe.

Jehan prit un poignard à sa ceinture, se fit au bras gauche une entaille d’où le sang jaillit avec abondance. Satan trempa lui-même la plume dans le sang et la tendit ensuite au sire de Cangé qui apposa son nom au pied du traité.

Le diable, après avoir plié soigneusement le parchemin, le cacha sous sa houppelande, puis ayant frappé trois fois de son pied fourchu les murs de la tour, une pierre se souleva et treize autres diables surgirent ployant sous des sacs d’or qu’ils déposèrent devant le sire de Cangé.

− Soupèse ces sacs, dit le malin esprit.

Jehan essaya, mais ne parvint pas à les changer de place.

− Tu le vois, ajouta le démon, je remplis fidèlement mes