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Le goût est une chose involontaire qui ne se persuade point, qui ne se ranime presque jamais. Quel est votre but quand vous cédez au goût que vous avez pour quelqu’un ? n’est-ce pas d’être heureux par le plaisir d’aimer et par celui de l’être ? Autant donc il seroit ridicule de se refuser à ce plaisir, par la crainte d’un malheur à venir, que peut-être vous n’éprouverez qu’après avoir été fort heureux, et alors il y aura une compensation, et vous devez songer à vous guérir et non à vous repentir ; autant une personne raisonnable auroit à rougir, si elle ne tenoit pas toujours son bonheur dans sa main, et si elle le mettoit entièrement dans celle d’un autre. Le grand secret pour que l’amour ne nous rende pas malheureuses, c’est de tâcher de n’avoir jamais tort avec un amant, de ne jamais lui montrer trop d’empressement quand il se refroidit, et d’être toujours d’un degré plus froide que lui : cela ne le ramènera pas ; mais rien ne le ramèneroit ; et il n’y a rien à faire qu’à oublier quelqu’un qui cesse de nous aimer. S’il