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Nos goûts s’émoussent aisément par la satiété, et il faut rendre graces à Dieu de nous avoir donné des privations, nécessaires pour les conserver. C’est ce qui fait qu’un Roi s’ennuie si souvent et qu’il est impossible qu’il soit heureux, à moins qu’il n’ait reçu du ciel une ame assez grande pour être susceptible des plaisirs de son état, c’est-à-dire, de celui de rendre un grand nombre d’hommes heureux ; mais alors cet état devient le premier de tous par le bonheur, comme il l’est par la puissance.

J’ai dit que plus notre bonheur dépend de nous, et plus il est assuré ; et cependant la passion qui peut nous donner les plus grands plaisirs et nous rendre le plus heureux, met entièrement notre bonheur dans la dépendance des autres : on voit que je veux parler de l’amour : cette passion est peut-être la seule qui puisse nous faire desirer de vivre, et nous engager à remercier l’auteur de la nature, quel qu’il soit, de nous avoir donné l’existence,