leur bonheur : les malheureux sont intéressans ; les gens heureux sont inconnus.
Voilà pourquoi, lorsque deux amans sont raccommodés, lorsque leur jalousie est finie, lorsque les obstacles qui les séparoient sont surmontés, ils ne sont plus propres au théâtre ; la pièce est finie pour les spectateurs ; et la scène de Renaud et d’Armide n’intéresseroit pas autant qu’elle le fait, si le spectateur ne savoit pas que l’amour de Renaud est l’effet d’un enchantement qui doit se dissiper, et que la passion qu’Armide fait voir dans cette scène rendra son malheur plus intéressant. Ce sont les mêmes ressorts qui agissent sur notre ame pour l’émouvoir, aux représentations théâtrales, et dans les évènemens de la vie. On connoît donc bien plus l’amour par les malheurs qu’il cause que par le bonheur, souvent obscur, qu’il répand sur la vie des hommes. Mais supposons, pour un moment, que les passions fassent plus de malheureux que d’heureux, je dis qu’elles seroient encore à desirer ; parce que c’est la condition