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ment, et dans les anciens je ne trouve rien qui approche d’avantage du style des Geometres que celuy des Jurisconsultes, dont les fragmens nous restent dans les pandectes. Quant à la theologie il est tres manifeste combien la Metaphysique d’un costé, et l’histoire avec les langues de l’autre, y sont necessaires. De toutes les choses de ce monde apres le repos d’esprit, rien n’est plus important que la santé, dont la conservation ou retablissement demande des meditations profondes de physique et de mecanique. Combien de fois devenons nous miserables par la seule ignorance ou inadvertance de quelque raisonnement aisé ou observation toute trouvée qui ne nous échapperoit pas si nous nous appliquions comme il faut et si les hommes se servoient de leur avantages. C’est pourquoy je tiens ⟨ qu’il ne faut rien negliger et⟩ que tous les hommes doivent avoir un soin particulier de la recherche de la verité ; et comme il y a certains instrumens de Mecanique dont aucun pere de famille ne manque quoy qu’il y en ait ⟨ d’autres ⟩ qu’on laisse chacun a l’artisan à qui il est particulier, de même nous devons tous [avoir soin de cet organe general] ⟨ tacher d’acquerir la science generale ⟩ qui nous puisse éclairer | par tout ; Et comme nous sommes tous curieux de sçavoir au moins les prix et souvent les usages des manufactures ou des outils que nous mêmes ne sçaurions faire à fin de les pouvoir au moins acheter et employer au besoin, de même devons nous sçavoir le veritable prix et l’utilité ⟨ et en quelque façon l’histoire ⟩ des sciences et arts, dont nous ne nous mêlons point, à fin de reconnoistre comment dans la republique de lettres tout conspire à la perfection de l’esprit et à l’avantage du genre humain, apeu près comme dans une ville toutes les professions bien menagées et reduites sur un bon pied contribuent à la rendre plus fleurissante.

Je trouve que deux choses seroient necessaires aux hommes pour profiter de leur avantages, et pour faire tout ce qu’ils pourroient contribuer à leur propre felicité, au moins en matiere de connoissances, car je ne touche point apresent à ce qui appartient à redresser leur volonté. Ces deux choses sont, premierement un inventaire exact de toutes les connoissances acquises mais dispersées et mal rangées ⟨au moins de celles qui nous paroissent au commencement les plus considerables ⟩, et secondement la science generale qui doit donner non seulement le moyen de se servir des connoissances acquises mais encor la Methode de juger et