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un peu du Roman, sur tout quand il s’agit des motifs qu’on prend soin de cacher, mais elle en dit tousjours assez pour nous faire faire nostre profit des evenemens ; on y trouve par tout des leçons excellentes, ⟨ données par les plus grands hommes qui ont eu ⟨ des bons et des mauvais ⟩ succès ⟩ et rien n’est plus commode que d’apprendre au depens d’autruy. L’Histoire de l’Antiquité est d’une necessité absolue pour la preuve de la verité de la religion, et mettant à part l’excellence de la doctrine, c’est par son origine toute divine, que la nostre se distingue de toutes les autres, ⟨ qui n’en approchent en aucune façon ⟩. C’est là peut estre le meilleur usage de la plus fine et de la plus profonde critique que de rendre un temoignage sincere à ces grandes verités par des anciens auteurs exactement verifiés et si les Mahometans et payens et même, les libertins | ne se rendent point ⟨ à la raison ⟩, on peut direque c’est principalement faute de ne pas sçavoir l’histoire ⟨ancienne, aussi ceux qui l’ignorent entierement sont tousjours enfans, comme cet Egyptien qui parla à Solon jugea fort bien des Grecs[1] ⟩. Mais si je fais grand cas de ces belles connoissances Historiques qui nous font entrer en quelque façon dans le secret de la providence, je n’estime pas moins la voye des sciences pour connoistre les grandeurs de la Sagesse Divine, dont les marques se trouvent dans les idées que Dieu a mis dans nostre ame, et dans la structure des corps, qu’il a fournis à nostre usage. En un mot j’estime toute sorte de découvertes en quelque matiere que ce soit et je voy qu’ordinairement c’est faute d’ignorer les rapports et les consequences des choses, qu’on meprise les travaux ou les soins d’autruy ⟨ qui est la marque la plus seure de la petitesse d’esprit ⟩. Les gens de meditation ordinairement ne sçauroient gouter cette multitude de veues legeres et peu seures dont il se faut servir dans le train des affaires et dans les sciences practiques comme sont la politique et la medecine ; mais ils ont grand tort. C’est de ces emplois comme du jeu, ou il faut se resoudre et prendre party lors même qu’il n’y a nulle asseurance ; il y a une science qui nous gouverne dans les incertitudes mêmes pour découvrir de quel costé la plus grande apparence se trouve. Mais il est étonnant qu’elle est presque inconnue et que les Logiciens n’ont pas encor examiné les degrés de probabilité ou de vraisemblance ⟨ qu’il y a ⟩ dans les conjectures

  1. Platon, Timée, 22 B.