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c'est encore la succession de quelques indivisibles, des syllabes. Or, il faut savoir qu’Aristote, dans son livre des Prédicaments, dit, Que le discours se mesure par la syllabe brève et la syllabe longue. Un autre texte porte que la syllabe brève et la syllabe longue se mesurent par le discours. Or, le discours se mesure par la syllabe de la même manière, comme nous l’avons dit, que le nombre est mesuré par l’unité, qui comme telle est indivisible. Quand on dit qu’une telle syllabe est brève ou longue, il ne faut pas regarder cette brièveté ou cette longueur comme appartenant au temps continu, de telle sorte que le discours soit un assemblage de temps continus, autrement ce ne serait pas une espèce différente du temps; car les parties du temps produisent une espèce différente du temps; mais le temps continu coexiste quelquefois avec la durée indivisible d’une syllabe, c’est-à-dire qu’il y a existence simultanée, parce que le temps est quelquefois court et d’autres fois long; c’est pourquoi le temps continu est la mesure des successifs dans le mouvement. Mais les syllabes existent dans quelque chose d’indivisible et sans mouvement, quoiqu’elles admettent le change ment et la succession, dans une certaine mesure toutefois, comme il a été dit. D’où il suit que la mesure qui est le temps et la mesure de la syllabe, quoique des mesures diverses de la durée ou des choses durables, peuvent néanmoins coexister, et ainsi la syllabe sera dite brève ou longue, non d’une longueur ou d’une brièveté continue existant en elle, puisqu’elle est indivisible, mais de la longueur ou de la brièveté du temps continu, qui lui est coexistant. Néanmoins il en est qui disent que les syllabes, sans être le mouvement, s’opèrent par le mouvement, et comme tout mouvement se mesure par le temps continu, c’est pour cela que les syllabes sont appelées longues ou brèves, de la longueur ou de la brièveté du temps continu mesurant