semblables. On est dans l’erreur, si on s’imagine que Platon a cru que ce monde n’avait point eu de commencement, qu’il était parfait, et que, par conséquent, le monde, quoique créé, était coéternel avec son Créateur. Car autre chose est d’avoir une existence sans fin, ce que Platon donnait au monde, autre chose est d’embrasser d’un seul regard et de se rendre présente cette vie interminable, ce que l’on sait n’être le propre que de l’intelligence divine. Ce qui vous prouve qu’il ne s’ensuit pas de l’objection qu’on nous fait, qu’alors la créature égalerait Dieu en durée. Qu’il nous suffise de dire que rien ne peut être coéternel à Dieu, parce que rien n’est immuable que Dieu. Ce que saint Augustin prouve au douzième livre de la Cité de Dieu, chap. XV: "Puisque le temps passe et est mobile, il ne peut être coéternel avec l’immuable éternité. Et puisque l’immortalité des anges ne passe point avec le temps et n’est point passée, comme si elle n’avait jamais été et qu’elle ne dût jamais être, les différents états qu’ils doivent avoir, dans la succession des temps, sont néanmoins passagers et successifs. Par conséquent, ils ne peuvent être coéternels avec le Créateur, duquel on ne peut pas dire qu’il n’est pas ce qu’il a été, ou qu’il sera un jour ce qu’il n’est pas maintenant." II dit encore, dans son commentaire sur la Genèse, chapitre VIII: "Que la nature de la Trinité est essentiellement immuable, et que rien ne peut être coéternel avec elle." Il dit la même chose dans le onzième livre de ses Confessions. Ils citent en leur faveur les arguments des philosophes qu’ils ont eux-mêmes réfutés, dont le plus fort est l’infinité des âmes; parce que, disent-ils, si le monde a toujours existé, le nombre des âmes doit être actuellement infini. Mais ce raisonnement ne vient pas ad hoc, parce que Dieu a pu créer le monde sans hommes et sans âmes, ou il a pu créer l’homme quand il l’a créé, quand même il aurait créé un
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