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qui accordent que Dieu a créé le monde, ne lui donnent point la priorité de temps, mais la priorité de sa création, tellement qu’on ne comprend guère comment il a été fait de toute éternité; ils donnent cependant quelques explications qui leur semblent excuser Dieu d’inconsidération." Nous avons dit dans notre premier argument pourquoi tout ceci est inintelligible. Il est encore étonnant que les plus fameux philosophes n’aient point aperçu cette contradiction. Car saint Augustin dit dans le même ouvrage, chap. V, en parlant de ceux à qui il s’adresse dans le texte que nous venons de citer: "Nous nous entendons avec ceux qui pensent avec nous que Dieu est le créateur des êtres corporels et de toutes les natures qui n’existent pas." Il ajoute ensuite: "Ces philosophes ont surpassé tous les autres en noblesse et en autorité." Et on s’en aperçoit sans peine, si on pèse un peu attentivement leur pensée, que le monde a existé toujours, mais cependant qu’il est l’œuvre de Dieu, sans trouver de contradiction dans ces deux propositions. Ceux-là donc qui l’ont si habilement découverte sont les seuls hommes, et avec eux commence à poindre le soleil de la sagesse. Mais comme ils apportent à l’appui de leur opinion quelques passages d’écrivains qu’ils expliquent en leur faveur, nous allons leur montrer qu’ils ne s’appuient que sur un fondement ruineux. Damascène dit, il est vrai, dans son premier livre, ch. VIII: "Ce qui est passé du néant à l’être n’est pas de nature à devenir coéternel avec ce qui est sans commencement et qui est toujours." Hugues de Saint-Victor dit encore au commencement de son traité des Sacrements: "La vertu de l’ineffable toute-puissance n’a pu rien avoir de coéternel, hors d’elle-même, qui l’aidât dans son œuvre." Or, Boèce nous apprend, dans le dernier chapitre de son traité de la Consolation, dans quel sens on doit entendre ces citations et autres