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nécessaire qu’il soit préexistant à son effet. Ce qui est prouvé par induction, dans tous les changements instantanés; par exemple, l’effusion de la lumière et autres semblables. On peut cependant le prouver ainsi par le raisonnement. Dès qu’on suppose l’existence d’une chose, on peut supposer l’existence de son principe, comme on le voit dans tous les générateurs; par exemple, du moment que le feu commence à être feu, il y a chaleur. Dans toute opération instantanée, le principe et la fin sont les mêmes, comme dans tout ce qui est indivisible. Donc, du moment qu’on suppose un agent qui produit son effet instantanément, on peut supposer le terme de son action; mais le terme de l’action existe en même temps que le fait, donc il ne répugne pas à la raison de dire qu’une cause produisant un effet instantané, ne lui est pas préexistante. Il répugnerait de dire cela des causes qui produisent leur effet par impulsion, parce qu’il faut que le principe du mouvement précède sa fin. Et comme on est accoutumé à ne voir que des actions de ce genre, on ne comprend pas facilement que l’agent actif ne soit pas antérieur à son effet. D’où vient que beaucoup de gens, inhabiles à réfléchir et qui ne voient qu’un côté de la vérité, se prononcent hardiment. Et on ne peut pas opposer à notre argument que Dieu est une cause qui agit par l’effet de sa volonté, parce qu’il n’est pas nécessaire que la volonté soit préexistante à son effet ni qu’elle agisse par la volonté à l’aide seulement de la réflexion, ce que nous nous garderons bien d’affirmer de Dieu.

(10) En outre, la cause protectrice de toute la substance d’une chose, n’est pas moins puissante à créer toute la substance, que la cause productrice de la forme à produire la forme; et elle doit l’être encore bien davantage, car elle ne crée pas en tirant son œuvre de la puissance,