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croyait qu’à elle-même, il la fait raisonner comme si elle croyait à la logique. Je sais bien qu’elle y croit la pensée, celle du sceptique, comme celle de Descartes ; elle y croit puisqu’elle argumente, elle y croit puisqu’elle prétend trouver et donner des raisons pour ne rien croire ; mais c’est bien là l’illusion profonde, c’est là l’inconcevable erreur (sauf respect) du raisonnement que vous reproduisez : l’erreur de croire se réduire à une seule certitude, à une certitude spéciale et concrète, pour tirer tout de celle-là, tandis que l’on en a dans sa poche tout plein d’autres, dont on fera usage au premier moment, et des certitudes tellement certitudes, qu’on les supposera, implicitement même, tant elles sont intimes, à celui que l’on veut convaincre, tout comme on les sent en soi-même ; l’erreur d’accepter ou de poser une question sans résultat comme sans fondement : car, si la pensée pouvait tout mettre en question, tout, excepté elle-même, jamais elle ne pourrait atteindre à aucune autre certitude ; cette certitude seule demeurerait en elle perpétuellement seule, perpétuellement stérile, par la raison toute simple que l’on ne va d’une certitude à une autre que par un moyen ; et, pour que ce moyen conduise à la certitude, il faut qu’il ne puisse pas être mis en question lui-même. Aussi est-ce par un ergo, que Descartes prétend aller de la certitude de la pensée à la certitude de l’existence, à l’idée même de l’existence ! or cet ergo ne suppose rien moins qu’un ensemble de croyances, un corps entier de doctrines, une science, dont il est l’application ; cette science on ne la fait pas dériver du cogito (on aurait bien de la peine, sitôt, sans détours et du premier bond) : elle devrait donc pouvoir être mise en question avec le tout dont elle fait partie, puisque le cogito seul en est excepté. Et pourtant on la suppose tellement hors de question qu’on s’en sert, sans même songer à prouver qu’on a raison de s’en servir. Ainsi, au lieu