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je ne trouve rien dans les créatures de plus propre à illustrer ce sujet, que la réflexion des esprits, lorsqu’un même esprit est son propre objet immédiat et agit sur soi-même, en pensant à soi-même et à ce qu’il fait. Car le redoublement donne une image ou ombre de deux substances respectives dans une même substance absolue, savoir de celle qui entend, et de celle qui est entendue ; L’un et l’autre de ces êtres est substantiel, L’un et l’autre est un concret individu, et ils diffèrent par des relations mutuelles, mais ils ne font qu’une seule et même substance individuelle absolue. Je n’ose pour tant pas porter la comparaison assez loin, et je n’entreprends point d’avancer que la différence qui est entre les trois personnes divines, n’est plus grande que celle qui est entre ce qui entend et ce qui est entendu, lorsqu’un esprit fini pense à soi, d’autant plus que ce qui est modal, accidentel, imparfait, et mutable en nous, est réel, essentiel, achevé et immuable en Dieu. C’est assez que ce redoublement est comme une trace des personnalités divines. Ce pendant la S. Écriture, appelant le Fils, Verbe ou Logos, c’est-à-dire verbe mental, paraît nous donner à entendre que rien n’est plus propre à nous éclaircir ces choses, que l’analogie des opérations mentales. C’est aussi pour cela que les Pères ont rapporté sa volonté au Saint Esprit, comme ils ont rapporté l’entendemment au Fils, et la puissance au Père, en distinguant le pouvoir, le savoir et le vouloir, ou bien le Père, le Verbe et l’Amour.


LETTRE DE Mr. LEIBNIZ

A un ami, sur le péché originel»


E vous renvoye Mr. avec remerciment les conjectures sur le péché originel. L’auteur a droit de rejetter l’opinion de Flacius , & il a raison de dire, que ce qui est subftantiel à l’ame, n’est point corrompu , & je crois même qu’on peut accorder, que la dépravation de la nature humaine par le péché n’est autre chose que l’infection de la source des pensées. Mais lorsque l’Auteur veut que le péché originel ne consiste que dans les pensées mêmes, Ôc qu’il n’y a point d’autre déréglement, il semble qu’il dit un peu trop. Je crois pourtant, qu’on le doit expliquer favorablement par lui-même, puisqu’il entend par pensées non-seulement PaCte de la pensée, mais encore les habitudes & les dispositions ; & c’est je crois ce qu’il appelle pensées habituelles. Il faut faire distinction dans l’ame entre l’eflènce & les propriétés esftntielles d’un côté, Ôc les modifications accidentelles de l’autre ; mais il D2

faut