Page:Oncken - Œuvres économiques et philosophiques de F. Quesnay.djvu/85

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

puisse faire vers elle. De nouvelles lumières, des observations plus réfléchies, un examen plus suivi et plus combiné achèvent le triomphe, et nous font saisir des vérités qui nous avoient échappées.

La supposition est la source la plus commune de nos erreurs ; elle est l’ouvrage de la curiosité et de l’envie insatiable que nous avons d’élargir la sphère de nos connaissances. Il est, dans tous les objets, des propriétés qui se dérobent à nos faibles regards. Les rapports qu’ils ont les uns avec les autres, nous sont également voilés. Nous croyons même apercevoir avec eux les contradictions qui ne nous paraissent telles que par le défaut de liaison qui se trouve dans nos idées. Les ténèbres de notre ignorance nous tourmentent. Nous nous agitons dans le cercle étroit de nos pensées, où l’esprit est comme emprisonné, nous brisons la barrière qui le resserre ; et pour satisfaire notre curiosité nous nous abandonnons à la vraisemblance, à des idées vagues et incomplètes, nous en substituons de déterminées et de complètes. L’illusion est agréable ; elle nous séduit. Plus nous considérons ces idées fausses, plus les ombres qui nous cachent les naturelles s’épaississent, plus il nous semble voir de propriété dans les objets, plus nous en adoptons, plus nos erreurs augmentent ; de là ces systèmes brillants et ingénieux que l’imagination produit dans d’agréables transports, de là ces sentiments hypothétiques qui enlèvent aux sciences leur certitude et leur évidence.

Pour se garantir des effets dangereux de la supposition, il faut se méfier de soi même, étudier les bornes de ses connaissances, ne se laisser séduire, ni par ses fictions, ni par celles des autres, n’adopter que les opinions établies sur la raison et sur la nature ; règles sûres et invariables que Quesnay suivit constamment dans le cours de ses études et que tous les hommes devraient embrasser pour les progrès de la vérité.

Après cela, notre auteur parle du goût. Il s’appuie sur l’expérience, pour prouver qu’il en est un général et un autre particulier. Ces observations vraies et judicieuses, touchant les saveurs, les odeurs, les sons, les objets de la vue et du tact, portent également sur la musique, la peinture, l’architecture, la gravure, la poésie, l’éloquence et les sentiments de l’âme.

Le génie est le père et le conservateur de tous ces arts ; c’était à Quesnay qu’il appartenait d’en tracer le tableau. Le génie seul doit peindre le génie. Avec quelle richesse d’imagination notre auteur en représente-t-il les effets ! Son pinceau est tour à tour noble