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succès, assez abondamment pour que toute autre dût peu lui être sensible, fut une pension, qu’on augmenta lorsqu’il obtint la place de médecin consultant du roi.

Les faveurs dont était comblé Quesnay n’étaient point mendiées ; quoiqu’il fût à la cour, je veux dire, au sein des sollicitations importunes, il n’en connut jamais l’usage ; il avait l’âme trop sincère et trop belle pour se plier à la flatterie. L’usage qu’il fit de son crédit le rendit respectable à ceux mêmes qui sont le plus accoutumés à ne rien respecter. Distingué, favorisé, chéri même par une personne puissante[1], s’il posséda sa confiance la plus intime, ce fut sans l’acheter par des bassesses ; et s’il voulût en profiter, ce fut seulement pour procurer l’instruction et le bonheur de sa patrie.

Les titres les plus illustres sont ceux que fournit le mérite personnel. Celui de Quesnay était assez connu de Louis XV ; ses écrits et les succès qu’il avait eu dans son art, le désignaient trop pour ne pas obtenir de ce prince des titres de noblesse, dont le diplôme prouve clairement la satisfaction qu’il avait des services de Quesnay. Il voulut mettre le comble à cette grâce, en choisissant lui-même l’écusson de ses armes, qu’il composa de trois fleurs de pensée sur un champ d’argent, à la fasce d’azur, avec cette devise remarquable propter cogitationem mentis[2]. Un pareil monument élevé par un souverain en l’honneur des talents, fait autant sa gloire que celle du sujet qui en fut l’objet.

Quesnay pensait donc et pensait d’une manière forte, neuve, élevée. Son génie était d’accord avec son âme. Comme il sentait vivement, il pensait avec énergie. Pour achever de s’en convaincre, il suffit d’examiner attentivement les autres ouvrages sortis de sa plume ; ils sont tous marqués au coin, de l’invention et de la profondeur. L’Essai physique de l’économie animale, prouve combien son auteur était observateur, physicien et moraliste tout à la fois. La filiation d’idées qui y règne, la clarté dans la manière de les exprimer, les connaissances anatomiques, la science du cœur humain, le mécanisme et le jeu des passions que Quesnay a développés

  1. Il est singulier que tandis que, le marquis de Mirabeau et Grand-Jean de Fouchy ne parlent pas de la marquise de Pompadour, le comte d’Albon ne fasse de même mention qu’en passant des rapports du créateur de la physiocratie avec la maitresse toute-puissante du roi. Seul Romance de Mesmon prononce son nom (voir la note 2, page 109). A. O.
  2. Comparer à ce sujet la note 1, page 32. A. O.