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donner une idée de la mère de Quesnay[1]. On ne sera plus étonné que le fils d’une telle mère ait été un homme original, peu assujetti aux préjugés, propre à se frayer lui-même les routes qu’il voulait parcourir[2].

Quesnay avait déjà le jugement trop solide, pour ne pas comprendre qu’embrasser également toutes les sciences, c’est renoncer à la gloire de les approfondir. Il resta pendant quelque temps incertain sur le choix particulier qu’il devait en faire ; enfin le désir empressé de se rendre utile à la société, le fixa sur la médecine.

Convaincu que la chirurgie, la botanique et la physique expérimentale sont liées à cette science par les rapports les plus immédiats, il les étudia avec la même ardeur, sous les plus grands maîtres de la capitale. Il alla s’établir en suite dans un village, appelé Orgeru, afin de pouvoir s’appliquer plus facilement à la connaissance des plantes[3] ; de là il passa à Mantes, pour y exercer la chirurgie.

  1. Il est très vrai, comme l’a remarqué M. de Buffon, qu’en général les races se féminisent, ou tiennent principalement du caractère et des dispositions des femmes qui les ont perpétuées. Il n’est presque point de grand homme qui n’ait eu pour mère une femme d’un mérite supérieur ; et c’est une des raisons qui montrent combien il est important aux familles d’assortir les mariages, non pas tant encore pour la naissance et la fortune, que pour les qualités physiques et morales des individus (Note de l’original).
  2. Ce renseignement ne concorde pas avec ceux que les autres biographes donnent sur la mère du garçon zélé. Bien que l’expression « mauvaise éducation » employée par de Fouchy puisse être trop vive en raison des conditions de l’époque, on ne peut cependant guère admettre qu’une mère qui, comme elle, a laissé grandir son fils en s’en occupant si peu qu’il ne savait pas encore lire à onze ans et qu’il a dû s’approprier cet art lui-même avec l’aide du jardinier de la maison, ait donné Montaigne à lire à un garçon de seize ans en lui disant les paroles rapportées. D’ailleurs, nous savons aussi que c’était précisément la mère qui s’était opposée de tout son pouvoir à ce que son fils se vouât à une profession plus relevée que celle de simple petit agriculteur. On fait évidemment ici une confusion avec père dont l’esprit — suivant le peu de renseignements que nous possédons sur lui et qui ont été donnés par Quesnay même — était autant cultivé dans un sens philosophique que celui de la mère était étroit et dirigé vers les choses immédiatement profitables. Le fait que de grands hommes ont eu pour pères des hommes d’esprit ne parait pas se présenter moins fréquemment que celui de voir de tels hommes avoir eu comme mères des femmes de mérite. A. O.
  3. La vraie cause du court séjour à Orgeru, qui n’a été mentionné par aucun autre biographe, doit être cherchée dans le premier refus des chirurgiens de Mantes de recevoir Quesnay dans leur corporation. A. O.