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ceux qui n’ont pas daigné l’étudier ; les traits de la raillerie, ressource ordinaire des esprits médiocres et vains, s’émousseront contre un édifice qui a la raison pour base, l’humanité pour objet, la justice pour soutien ; et les hommes éclairés, les vrais citoyens, les philosophes sensibles conserveront toujours une reconnaissance respectueuse pour celui qui soumit à un calcul sévère leurs rapports mutuels, leurs intérêts, leurs droits et leurs devoirs. Élevons un monument digne, s’il est possible, de ce bienfaiteur du monde ; et pour lui accorder le tribut d’éloge qu’il mérite, faisons le connaître tel qu’il a été dans les âges divers de sa vie ; suivons le depuis son berceau ; il n’est pas indifférent d’apprendre comment un grand homme s’est formé, jusqu’à ce jour malheureux où nous l’avons perdu ; il importe aussi de savoir comment il a fini. Peignons ses talents, son caractère, ses mœurs, sa conduite, ses écrits, avec la simplicité qui lui étoit si naturelle, et qui fait le plus bel ornement de la vérité. Les lumières de son génie nous éclaireront, et les qualités de son âme nous exciteront à la vertu.

François Quesnay, écuyer, conseiller, premier médecin ordinaire et consultant du Roi, naquit à Méré, près Montfort-Lamaury, le 4 Juin 1694, d’une famille très honnête ; son père était avocat et d’une probité universellement reconnue. L’amour qu’il avait pour l’agriculture, le premier de tous les arts, parcequ’il est le plus nécessaire, le fit retirer à la campagne dans un bien dont il avait la propriété. Il fondait sur le jeune Quesnay ses plus douces espérances ; il se plaisait à lui former le cœur, et à lui inculquer les principes d’une saine morale ; il lui disait ce que Quesnay aimait à répéter, en se rappellant le souvenir de son père. « Mon fils, le temple de la vertu est soutenu sur quatre colonnes, l’honneur, la récompense, la honte et la punition ; vois contre laquelle tu veux appuyer la tienne ; car il faut choisir de bien faire par émulation, par intérêt, par pudeur ou par crainte. »

L’éducation scientifique de Quesnay ne fut pas aussi hâtive que son éducation morale : il fut un des exemples de l’avantage réclamé depuis par Jean-Jacques Rousseau, de laisser fortifier le corps avant de fatiguer l’intelligence. Il suivait sous les yeux d’une mère très active les travaux champêtres dont elle faisait ses délices. Ce fut là qu’il commença à étudier les opérations de la nature bienfaisante ; qu’il connut les richesses et la variété de ses productions. Dès lors il sentit naître en lui un goût vif, un penchant décidé pour l’agriculture, qu’il conserva toujours.