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Quoique M. et Mme  Quesnay vécussent dans la plus grande union, leurs goûts étaient cependant bien différents : le père, homme de loi, se livrait tout entier à sa profession, mais il l’exerçait d’une façon bien singulière : lui et le procureur du roi de Montfort, avec lequel il était lié d’amitié, étaient à l’affût, pour ainsi dire, de toutes les affaires susceptibles d’accommodement, et pour peu qu’ils trouvassent des parties raisonnables, ils ne manquaient pas de les arranger à l’amiable ; on juge bien que leur but n’était pas l’intérêt. À la honte de l’humanité, il y a communément bien plus à exiger de la passion qu’à espérer de la reconnaissance.

Ces occupations généreuses absorbaient M. Quesnay le père tout entier, et il ne se mêlait presque point du gouvernement de sa maison, ni de l’éducation de ses enfants, dont il se reposait absolument sur son épouse.

Celle-ci était au contraire vive, agissante, ne perdant pas de vue, un seul instant, l’intérieur de son ménage et l’administration d’un bien de campagne qui leur appartenait, et où une sage économie avait fixé leur demeure. Les premiers objets qui se présentèrent aux yeux du jeune Quesnay furent donc les travaux de l’agriculture, les premiers mots qu’il entendit prononcer furent des termes de cet art, dans les fonctions duquel il employa ses premières années ; sa mère croyant ne pouvoir rien faire de mieux que d’élever son fils dans ses principes, le destinant uniquement à la remplacer quand elle serait hors d’état de tenir les rênes de sa maison : quel tort elle aurait fait à son fils et à ses concitoyens, si la mauvaise éducation[1] pouvait étouffer absolument le génie !

Heureusement la nature y avait pourvu : l’esprit actif et perçant du jeune Quesnay le mettait en état d’analyser tout ce qu’il voyait : il observait les faits, il en pénétrait les rapports, il savait en tirer des règles sûres, et s’était, sans aucun secours, mis en état de commencer i lire dans le grand livre de la nature.

  1. Voir le jugement infiniment meilleur sur le mode d’éducation de la mère, dans l’éloge de d’Albon, page 42, note 2. A. O.