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qu’il dota de ses découvertes, qu’il enrichit des fruits de son travail opiniâtre, qu’il anima du souffle de son rare génie, qu’il guida par les soins répétés et si nécessaires de son jugement, qu’il suivit de l’œil, soutint de la main, à qui il daigna enfin remettre le soin d’annoncer aux humains la méthode infaillible et calculée d’être heureux et justes, et la loi suprême de l’ordre naturel. Nous avons perdu notre père ; c’est tout ce qu’à présent je puis dire, c’est ce que je vous invite à répéter. En effet, nous lui devons tout, et nos principes, et la règle physique de nos devoirs, et le zèle qui donna commencement à ces assemblées[1] qui m’honorent, qui nous

  1. Dans l’ouvrage de Loménie, on trouve aussi une relation sur ces assemblées régulières, organisées par le marquis de Mirabeau pour propager la doctrine de Quesnay, et au nombre desquelles il faut placer l’assemblée funèbre elle-même. Le maître, plus libre après la mort de madame de Pompadour (avril 1764), paraît y être venu souvent de Versailles. L’ouvrage cité s’exprime comme suit, t. II, p. 262 et suivantes :

    Tout en prodiguant sa prose au recueil qu’il appelle ses chères Ephémérides, l’auteur de l'Ami des hommes avait fondé, dès 1767, ces fameux mardis, parfois tournés en ridicule par Bachaumont ou Grimm, et dont le but était d’entretenir le feu sacré parmi les adeptes de la science, d’en augmenter le nombre et d’attirer à la doctrine les étrangers de distinction qui voyageaient à Paris. Nous donnons, écrit-il le 16 juillet 1767, à son frère qui se trouvait en Provence, deux dîners par semaine. Le mardi, ce sont les économistes, sorte de secte (sic) fort renommée, dont je suis un des chefs. Là vient un concours de gens de mérite et de jeunes magnats, qui sont plus aisés à instruire que ceux qu’il faut convertir ; tu y verras pourtant des gens en ce genre de notre âge, comme le maréchal de Broglie, par exemple, puis des étrangers. En un mot, cela tourne au profit de l’humanité et me fait plus d’honneur que de dépenses, car, comme nous nourrissons nos gens, il y a toujours un gros fonds de diner. Le vendredi, ce sont nos amis, c’est-à-dire madame de Rochefort, MM. de Nivernois, de Brancas, de Flamarens et autres. Celui-là est une plaisanterie habituelle : ils y portent du vin. — Dans la même année, il écrit à un de ses gendres : Nos mardis deviennent fort brillants et sont, par conséquent, très utiles. Vous y auriez vu ce dernier, le maréchal de Broglie, le duc de la Rochefaucauld, et force jeunes notables. — Le marquis maintint ces assemblées du mardi pendant bien des années ; il n’y renonça que sous l’influence du discrédit et de la ruine qui pesèrent à la fois sur sa vieillesse.... Après le diner, on lisait des morceaux destinés aux Ephémérides et on agitait toutes les questions économiques ou politiques à l’ordre du jour."

    À ces assemblées, madame de Pailli, vaudoise, amie du marquis, parait avoir fait les honneurs. Cela résulte du moins d’une lettre de Letrosne, adressée d’Orléans à la société économique de Berne, et qui est conservée dans les archives de cette société. On y lit, sous date du 22 août 1767 :

    „ Pendant mon séjour à Paris, j’ai beaucoup cultivé nos maîtres en science économique : M. Quesnay, inventeur de cette science et auquel tout l’honneur en doit être rapporté, M. Mirabeau, M. Turgot, M. Dupont et l’abbé Bandeau, auteur des Ephémérides. M. le marquis de Mirabeau a établi un diner tous les mardis, auquel sont invités de droit tous les amateurs de la science. J’ai eu l’honneur d’y être admis pendant mon séjour et l’on me mande que les plus grands seigneurs du royaume s’empressent aujourd’hui d’y venir puiser des lumières. Madame de Pailli, femme d’un colonel de votre pays, s’y trouve régulièrement. Peut-être la connaissez-vous ; c’est une femme vraiment philosophe et qui joint tous les agréments de son sexe à la profondeur et à la solidité de l’esprit." (Voir A. Oncken, Der ältere Mirabeau und die Oekonomische Gesellschaft in Bern, Anhang p. 75.) A. O.