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Malgré la médiocrité de sa fortune, il fut le soutien de ceux qu’il voyoit accablés du fardeau de l’indigence. Son désintéressement étoit unique, et voilà pourquoi il n’a laissé à ses descendants d’autre héritage que ses vertus. S’il employoit son crédit, c’étoit avec le discernement et l’équité que demande la probité délicate et scrupuleuse. N’oublions pas un des plus beaux traits de sa vie, puisqu’il nous représente si bien l’intimité et la sensibilité de son cœur. Quelqu’un avoit un procès ; persuadé du succès s’il venoit à bout de mettre Quesnay dans son parti, tant les lumieres, l’impartialité, la justice de celui-ci étoient connues, il le presse de solliciter les Juges en sa faveur. Quesnay remplit ses vœux, et lui fait gagner sa cause. Bientôt après,

on l’instruit du sort déplorable du vaincu ; il en est vivement touché ; sa sensibilité fait naître des doutes propres à allarmer sa conscience. Pour s’en délivrer, il fait passer à ce malheureux des billets, portant la somme qu’il avoir perdue. Qu’ils sont rares les hommes qui joignent à une équité sévere, une tendre compassion !

Le travail fut un besoin pour Quesnay, qu’il remplît sans cesse par inclination et par goût. Quelque temps avant sa mort, il fit trois Mémoires d’économie politique, dont une personne en place l’avoit chargée. Elle en fut si étonnée à la lecture, qu’elle ne pût s’empêcher de dire, “que l’Auteur avoit sçu conserver à la fois toute la vigueur de la jeunesse et la solidité de l’âge mur dans un corps octogénaire”.

Il étoit difficile que tant de vertus réunies ne prissent leur source dans la Religion. Quesnay en avoit beaucoup ; il ne fut pas de ces Auteurs impies qui s’indignent des ténébres, dont est couvert un des côtés de la Religion ; qui voudroient calculer géométriquement, et soumettre aux foibles lumieres de leur intelligence, les objets les plus sublimes ; qui croient ne pouvoir s’acquérir de la célébrité, que par leur audace monstrueuse à s’élever contre le ciel. Géants orgueilleux et superbes, ils ne craignent pas en l’escaladant de s’approcher de la foudre ! Ils la bravent, même lorsqu’elle gronde et qu’ils s’en sentent frappés. Quesnay bien différent d’eux, prit la Religion pour la pierre fondamentale de son systême ; il la respecta dans tous ses écrits, et lui rendit l’hommage qui lui est dû. Son cœur en étoit pénétré, et son cœur dirigea toujours son génie.

D’accord avec les principes de la Foi, Quesnay ne les démentit jamais : ses mœurs furent pures ; et c’est peut être à la régularité de sa vie qu’il fût redevable de la longueur de son cours. Mais