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ATHÈNES AU XVIIe SIÈCLE

nullement ; mais ce qui me fit plus de peine, c’est que tous les verres étant casséz, en sorte qu’il ne restoit plus dans la maison qu’un grand verre de Venise, qui étoit parfaitement beau et que je voiois suspendu dans la chambre, comme une pièce exquise, le seigneur Paléologue se le fit apporter pour subir le même sort que les autres, je demandai à le voir et, après l’avoir admiré, je dis qu’un si beau verre méritoit bien que chacun de la compagnie bût dedans la santé du Roi, et, y aiant fait mettre un peu de vin, je dis au seigneur Paléologue que je le priois d’agréer que je lui portasse la santé de notre Roi, à condition que chacun la boiroit dans le même verre et qu’ensuite on me le raporteroit pour en faire raison. Chacun agréa ma proposition et le verre m’étant rendu, pour terminer cette cérémonie, je dis au seigneur Paléologue, qu’après m’avoir comblé de ses bontés pour notre voïage et depuis mon arrivée à Athènes, il ne me restoit qu’une grâce à lui demander, qui étoit que ce verre dans lequel la santé d’un si grand monarque avoit été bû si honorablement, fut soigneusement gardé pour en conserver la mémoire. Ce qui me fut accordé de bonne grâce. C’est ainsi que j’ai sauvé du naufrage un si beau verre.

« Après ce régal, voiant chacun en bonne humeur, je dis que je serois parfaitement content d’Athènes si j’avois vû le temple dédié au Dieu inconnu, Deo incognito. Cela fit ouvrir les oreilles à M. le consul et quelques autres de sa compagnie, qui dirent : « Ne souffrons pas que le Père sorte d’Athènes avec ce mécontentement, il faut faire un présent à l’aga pour l’engager à lui accorder cette grâce. » On ordonna en même temps au truchement d’aller trouver l’aga, de la part de M. le consul, de lui porter le présent et lui demander qu’il me fût permis d’aller dans le chasteau pour y voir quelques antiquités ; ce qui ne se put faire que le lendemain, et dans ce temps là je receus des lettres de M. l’Ambassadeur, qui me mandoit de me rendre à Napoly de Romanie, pour me joindre à l’ambassadeur turc, qui partoit avec son équipage pour s’i aller embarquer.

« Le truchement ne manqua pas le lendemain d’aller trouver