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ATHÈNES AU XVIIe SIÈCLE

que je crus pouvoir me conduire à un temple, que j’avois remarqué hors la ville en y arrivant ; mais il faut que j’avoue que j’expérimentai, le long de cette rüe, que les Turcs y étoient bien moins civiles que dans les autres lieux, où j’avois passée, car, bien que leurs enfans me fissent plusieurs huées et me jettassent des pierres, je ne vis personne qui les en empêchât. Tout le remède, dont je me servis pour me délivrer de cette canaille, fut de marcher si vite que, ne pouvant me suivre, ils furent contraints de m’abandonner, voiant que je ne me mettois point en peine, ni de leurs huées, ni des pierres qu’ils me jettoient. J’arrivai enfin au bout de la rüe et je reconnus que je ne m’étois pas beaucoup écarté du lieu où je voulois aller ; je m’y rendis aussitost par un petit chemin que je pris sur la gauche et je trouvai que ce temple étoit encore en son entier, mais je ne pus y entrer parce que les portes, qui sont revestues de lames de fer, étoient fermées, de sorte qu’il me fallut contenter de le considérer par dehors. Il est tout de marbre et environné d’une galerie assez large, soutenue par de belles colonnes bien canelées ; m’étant informé quel étoit ce temple-là, on me dit que c’étoit autrefois le temple de Thésée, mais que les Chrétiens l’avoient dédié à S. George et qu’ils y célébroient encore les saints offices.

« J’aperçus de là quelque chose de blanc dans un champ, qui n’en est pas éloigné. La curiosité m’y porta et je trouvai que c’étoit un lion, d’un fort beau marbre blanc, qui est si gros qu’aïant la gueule béante et fort creuse, des enfans y entrent facilement. Il est couché par terre avec cette devise en grec : « Je puis dormir en assurance cependant que mes compagnons veillent » ; dont cherchant l’intelligence, on me dit que ce lion étoit autrefois au milieu de la ville et que ses deux compagnons sont deux autres lions de marbre, que j’ai vus, l’un sur les murailles du chasteau et l’autre sur le bord de la mer et sont tous deux comme faisant la sentinelle. Celui qui est sur le bord de la mer est beaucoup plus gros que celui qui est couché dans le champ ; il donne le nom au port, car on l’appelle le