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LAURENT TAILHADE

OMAR KHAYYAM

ET

LES POISONS DE L’INTELLIGENCE

C’est un sujet aussi captivant que douloureux que M. Laurent Tailhade, maître d’une prose aussi parfaite que les plus beaux vers, aborde en son livre précieux, Omar Khâyyâm et les Poisons de l’Intelligence.

Prenant pour thème l’œuvre célèbre du poète persan, chantre du vin qu’il chante non pour son réconfort mais pour l’oubli qu’il verse aux cœurs des hommes, l’artiste écrivain profère, au cours de ces pages étincelantes, en cette langue où les rnots s’ordonnent et marchent sur le rythme d’un majestueux cortège, une solennelle incantation. La rançon formidable qu’exigent, pour prix de leurs dons illusoires, les fées mauvaises de l’ivresse ; la chute des plus rares esprits dans l’hébétude et l’animalisme, après répiphanie d’une heure où toutes les joies de la vie entourèrent le dieu que se crut le buveur d’alcool, l’éthéromane et le haschischin , voilà qui dépasse les plus funèbres tragédies, et M. Tailhade en évoque la muette horreur en lui prêtant sa voix grandiloquente, au diapason des chœurs Eschyléens. Nourri du miel antique et passionné de ces temps évanouis où l’homme put confronter son rêve à la plus sereine des réalités, les temps du " Miracle Grec ", ce poète devait, mieux que nul autre fils de la lumière, dire l’effroi de la nuit où se plongent ceux qui vendirent leur raison, ce droit d’aînesse, pour les chimériques voluptés. Et dénombrant tous les poisons, depuis les excitants dont l’abus offre seul un danger, jusqu’aux redoutables toxiques, il parle du vin généreux et finit par le perfide opium, philtre d’une noire idole dont le culte, venu d’Asie, devient une menace pour l’Europe. II suggère plus qu’il n’explique et ainsi ne limite pas l’impression voulue par lui sur la pensée de son lecteur. Il résiste à cette tentation de peindre avec des couleurs trop vives les délices profondes et si brèves que donne aux malheureux l’ensorcellement des breuvages.

Son livre est cependant complet et nous fait parcourir le cycle entier des boissons inébriantes.

Mais si l’auteur avait à nous rappeler, pour vaincre leur sortilège, les ferventes litanies qui, sur tout le globe et depuis toujours, célèbrent les Poisons de l’Intelligence, il ne pouvait, trop soucieux d’harmonie, alourdir son œuvre en l’emplissant d’une morose érudition.

Et c’est ainsi que, par ses proportions exactes, le rythme et le nombre de ses phrases, le livre de M. ’Tailhade donne l’impression d’un poème en prose. OMAR KHAYYAM ET LES POISONS DE L’INTELLIGENCE forme un volume in-8° imprimé sur Antique Vellum, avec titre, bandeau et lettre ornée en couleur. Prix 5 fr. II a été tiré vingt-cinq exemplaires sur papier du Japon, numérotés de i à 25. Prix 10 fr.