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quitte jamais son couvent et son île qu’en grande pompe pour se rendre à H’Lassa, la capitale du Grand Tibet.

« Pendant tout le voyage, dit la relation chinoise à qui j’emprunte ces renseignements, on porte devant elle des encensoirs. Elle-même est assise sur un trône couvert d’une vaste ombrelle. Sa suite se compose de plus de trente religieux qui forment sa cour. Quand elle arrive à H’Lassa, chacun s’empresse de solliciter sa bénédiction, qu’elle donne en faisant baiser le sceau que porte son anneau[1]. »

Les couvents de femmes au Tibet absorbent, on peut le croire, plus des trois quarts de la population féminine du Tibet.

Turner, à l’occasion de ces couvents de femmes, s’exprime ainsi :

« Quand on réfléchit à la coutume qui existe au Tibet relativement à l’union des deux sexes, on est moins surpris de voir qu’un grand nombre de femmes renoncent aux occupations et aux plaisirs du monde pour se retirer dans ces asiles solitaires (les couvents)[2]. »

Turner prend ici la cause pour l’effet : ce n’est pas l’horreur de la polyandrie qui peuple les couvents de femmes au Tibet ; c’est au contraire la rareté des femmes disponibles, rareté que provoque et réalise l’attrait des couvents, qui force à la polyandrie les femmes tibétaines qui restent attachées à la vie du monde, et la polyandrie persistera aussi longtemps que les femmes du Tibet continueront à s’exiler dans les couvents[3].

L’établissement du bouddhisme lamaïque au Tibet date du septième siècle de notre ère, et on peut, dans des conditions de satisfaisante probabilité, fixer à cette date l’évolution rénovatrice de la polyandrie au Tibet.

  1. Klaproth, Magasin asiatique, t. II, p. 286.
  2. Turner, Ambassade au Thibet, t. II, p. 142-143.
  3. Csoma de Coros estime seulement à 130 000 familles la population du Tibet (Notice sur le royaume du Thibet, Horace de la Penna di Belli, note de Klaproth, p. 6).

    Klaproth estime que les six provinces peuvent fournir un ensemble de 5 millions d’habitants (ut supra, p. 7). C’est toujours très peu pour une contrée qui mesure 600 lieues x 200 lieues.