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Samuel Turner, cet intelligent agent de la Compagnie de l’Inde anglaise, qui fut envoyé en ambassade au Tibet en 1783, a publié une intéressante relation des observations qu’il a pu recueillir au Tibet, où son séjour prolongé et sa position officielle lui ont permis en tous genres de précieuses informations.

La polyandrie est tout naturellement de la part de Samuel Turner un objet de grande attention. Dans sa relation, il constate le fait et ajoute :

« Les chefs du gouvernement, les officiers de l’État et tous ceux qui aspirent à le devenir, regardent comme au-dessous de leur dignité et de leurs devoirs le soin d’avoir des enfants. Ils s’en exemptent et l’abandonnent presque exclusivement aux gens du peuple.

Les Thibétains regardent le mariage comme une chose odieuse, un fardeau gênant et honteux, que tous les mâles d’une famille doivent chercher à rendre plus léger en le partageant entre eux[1]. »

Et, après quelques considérations sans grande portée, Samuel Turner fait observer que la pauvreté du pays peut bien aussi motiver la polyandrie, qui nécessairement restreint la production des enfants.

Cette raison de la polyandrie au Tibet est aussi celle que nous a donnée M. de Ujfalvy.

Je crois qu’après Samuel Turner, notre vaillant collègue se trompe.

Il n’y a, pour faire la richesse d’une nation, rien de meilleur, rien de mieux que le travail ; et les premiers et les meilleurs outils de travail sont les hommes.

C’est là une vérité économique d’une justesse, d’une exactitude et d’une sévérité absolues.

Au Tibet[2] toutes les terres ne sont pas cultivées[3] ; celles

  1. Ambassade au Thibet, t. II, p. 144.
  2. Marco Polo définit le Tibet « une grande forêt » (G. Pauthier, chap. cxiv, p. 370).
  3. Le Tibet, compris entre les 80e et 104e degrés de longitude et les 28e et