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Et ce dut être aussi à cause de l’absence toujours prolongée de leurs maris que les femmes massagètes se firent amazones, pour garantir de tout dommage, aussi souvent que ce fut nécessaire, la jeune famille et les intérêts de la communauté.

Ces conclusions se présentent d’elles-mêmes et je tiens pour certain qu’une étude plus développée de cette question les ratifierait complètement. Quant à présent pourtant, je ne veux les indiquer ici que pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire pour des probabilités, mais des probabilités qui ressemblent fort à des acquisitions définitives.

VIII

Si de ces recherches sommaires des causes de la polyandrie chez les Massagètes de l’antique géographie nous passons à l’étude des causes de la polyandrie dans le Tibet moderne, nous trouverons que les circonstances qui en maintiennent l’usage diffèrent essentiellement de celles qui autrefois convièrent les femmes massagètes à la pluralité des maris.

Il y a pour ainsi dire changement de front.

Tout à l’heure nous avons vu que, chez les Massagètes, la polyandrie trouvait sa raison d’être dans la nécessité, pour les femmes, de s’assurer la possession de plusieurs maris afin qu’il leur en pût rester au moins un quand les devoirs publics appelaient les autres à un service lointain et prolongé. Au moderne Tibet nous allons voir les hommes dans la fâcheuse nécessité de partager en famille la possession d’une seule femme par suite de la rareté des femmes disponibles dans la vie civile.

    polygamie supposerait la subalternisation de la femme à l’homme, et ce n’est pas ici le cas, nous le savons.

    D’ailleurs, pour faire la disette des femmes, même en présence d’un contingent d’hommes fort réduit, il suffisait qu’il fût d’usage chez les Massagètes que toute femme, notoirement fécondée, dût être sevrée de maris jusqu’après ses relevailles.