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au bénéfice des terres sèches. Là toute terre accessible est cultivée, là l’aisance est grande et la vie à bon marché.

Ces rigoles de dérivation et d’irrigation, ces tranchées d’assainissement, ces bras nombreux qui travaillent la terre et la préparent à des succès prochains, le Tibet ne les possède pas et c’est la polyandrie qui motive ce déplorable déficit de l’outillage humain.

IV

Un agent plus indispensable encore que l’outillage humain manque aussi au Tibet pour qu’il puisse bénéficier des avantages naturels qui lui sont départis. Cet agent, c’est le temps, le temps dont la vie est faite et sans large dotation duquel l’agriculture, la première et la plus utile des industries humaines, est absolument impraticable.

Ici, c’est le régime économique du Tibet qu’il faut accuser : nous allons voir dans quel sens et pourquoi.

Le Tibet qui depuis l’année 1750 relève politiquement de la Chine[1] est, on le sait, la terre d’élection et de prédilection du bouddhisme, et le Dalaï-lama[2], incarnation continue, perpétuelle et divine du Bouddha, le Dalaï-lama, chef suprême du bouddhisme, domine au Tibet toutes les consciences.

L’importance religieuse du Dalaï-lama est immense et l’attraction qu’elle exerce est telle, que toute la contrée

  1. Le gouvernement chinois entretient auprès du Dalaï-lama, depuis plus de cent ans, deux commissaires civils. Cette circonstance donne une grande autorité à ce que disent du Tibet les géographes chinois.
  2. Ce terme « Dalaï-lama » est mongol. Il a été adopté à la suite d’une entente préalable, intervenue entre le grand prêtre du bouddhisme et le souverain mongol Altan-Khagan (vers 1580) et substitué au titre tibétain de « Gyamdzo ». Dalaï signifie : mer, océan, immensité ; Lama comporte l’idée de supérieur, de suprême. Dalaï-lama peut se traduire par « Immensité suprême » ; il s’entend alors comme nous entendons : Sa Sainteté, Sa Majesté, Son Excellence.

    Le mot tibétain Gyamdzo a la même valeur. (Conf. Abel Rémusat, Mélanges posthumes d’histoire et de littérature orientales, analyse de l’histoire des Mongols de Sanang-Setsen, et Breve notizia del regno del Thibet, dal Fra Francesco Orazio della Penna di Billi, p. 37 et note.)