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C’était, comme nous l’a dit Hiouen-thsang, sur les terres qui furent plus tard, en tout ou en partie, l’État de Tchînapati, qu’étaient, au temps de Kanichka, durant les trois mois de la saison d’hiver, confinés les otages chinois dont Hiouen-thsang a rencontré la descendance, et nous savons de plus par le même Hiouen-thsang que, pendant les neuf autres mois de l’année, ces mêmes otages étaient transplantés sur un autre point voisin des frontières du Kachmir.

Du fait que les otages chinois étaient relégués pendant l’hiver dans une contrée située au sud du Kachmir, nous pouvons valablement induire que, au temps de la saison chaude, ils devaient être placés sur un point plus septentrional[1].

Cette déduction, si naturelle qu’elle semble une vérité acquise par elle-même, a, d’ailleurs, sa preuve écrite.

Si nous interrogeons en effet les contrées circonvoisines du Kachmir dans les horizons du sud, de l’ouest et du nord, nous n’y trouvons que sur un point des légendes et des traditions locales, imprégnées de souvenirs chinois ou mongols, et, ce point vers lequel ces souvenirs se portent d’eux-mêmes, ce point, situé au nord du Kachmir, est justement la contrée traditionnellement dénommée Dardistan ; contrée dont les habitants, inconscients de leur origine lointaine, en portent cependant la livrée séculaire, et par le nom de Dardis qui leur est donné et par l’appellation Shina qui désigne leur langage particulier.

Shina rappelle les Shins et les Chinois ; Dardes rappelle les Daradas, et Darde et Shina nous reportent tout naturellement en Mongolie, au pays des Ours, des Daradas, des Tshins et des Chinois. Pays d’où sont venus les otages chinois de Kanichka, les Tchins de de Guignes, les Shins du major Biddulph ; d’accord avec les attestations de Hiouen-thsang, de Kalhana, d’Al Byrouny ; d’accord avec cette légende en-

  1. Ces otages étaient nomades, au moins par ordre, par conséquent pasteurs. Durant la saison chaude, le Nord, plus sûrement que le Midi, pouvait leur fournir des pâturages.