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UN SAUVETAGE

à se défendre, mais qui, au fond, manque de sincérité. Soudain il cessa la défense et passa à l’attaque.

— Eh bien ! et vous Monsieur Maurice, ce serait plutôt à vous à vous marier… Auriez-vous aussi l’embarras du choix ?

— Oh ! moi, je suis un pauvre diable qui gagne tout juste sa malheureuse existence.

— Et votre oncle ? Il est très riche, votre oncle !

— Oui, il est très riche, mais cela ne m’avance pas à grand’chose puisqu’il m’a coupé les vivres.

— Quelle folie, Monsieur Maurice !…

— J’avoue. Un moment ça allait un peu fort. Alors il a voulu me marier. J’aurais accepté, quoique la chose ne fût pas particulièrement agréable, mais enfin j’aurais dis oui, par force : mais voilà qu’il me présente un grand échalas desséché, sous prétexte que c’est la fille d’un de ses amis… Me marier, soit, mais tout de même… Je refuse, nous nous disputons, il exige ; je me sauve, et il me coupe les vivres.

— Mais il ne vous déshéritera pas ?

— Je ne crois pas. En attendant, obligé de gagner ma vie, j’entre comme secrétaire chez le sénateur Montfort ; je n’y gagne pas lourd, mais comme je n’ai pas besoin de faire des économies, je m’en contente ; je vis presque en famille, surtout en villégiature, comme ici, et le peu que je gagne me suffit à attendre que mon oncle revienne à de meilleurs sentiments.

— Après avoir été un peu fou, vous voilà redevenu sage.

— Il le faut. Mais je crois que la partie se termine, là-bas.

En effet, les deux jeunes filles, la raquette sous le bras, revenaient vers le parasol où le baron et Maurice étaient assis, pendant que les deux jeunes hommes roulaient et rassemblaient les accessoires.

— Qui a gagné ? demanda le baron.

— Je crois que c’est chacun son tour, répondit Suzanne.

— Oh ! non, Suzanne, reprit Germaine Montfort, tu es plus forte que moi.

— Peut-être, accorda Suzanne, d’ailleurs la question n’est pas là. Il suffit que l’on s’amuse et que l’on fasse pendant une heure ou deux un exercice agréable.

— Et vous n’y avez pas manqué ; je vous regarde depuis un moment…

— Pourquoi ne venez-vous pas jouer, baron ?

— Oh ! j’aime mieux vous regarder.