Page:Olivier - Un sauvetage, 1938.pdf/62

Cette page a été validée par deux contributeurs.
60
UN SAUVETAGE

dait plus blanc, et où ses yeux brillaient d’un éclat plus vif.

— Mais, dit-elle lentement, il ne nous est pas impossible de nous rencontrer à Paris…

— Il ne faut pas compter sur le hasard. D’ailleurs ce n’est pas ainsi que je l’entends. Mon amour ne peut pas se contenter de quelques rencontres fortuites au hasard des relations mondaines ; l’absence totale serait moins cruelle… ou alors la vie à vos pieds, sous votre regard, l’adoration perpétuelle, vos mains dans les miennes. Voilà ce que je vous demande, voilà ce que je veux de vous… Oh ! reprit le baron après une minute de silence, je sais bien ce qui peut nous séparer, je sais bien ce que vous pouvez me répondre. Je vous supplie de ne pas le dire : il me serait cruel de l’entendre. Mais si l’hommage de mon amour, si l’offrande de mon nom, si la promesse d’une vie aussi heureuse que vous pouvez le désirer, si tout cela peut compenser à vos yeux ce qu’il peut y avoir d’inégal entre nous, alors tournez votre regard vers moi et mettez votre main dans les miennes, je vous promets que votre bonheur sera le seul but de ma vie.

Pendant un instant ils marchèrent en silence. Suzanne réfléchissait, ou plutôt elle essayait de voir au delà de sa première impression. Elle avait dit à son amie Germaine, elle avait répété à Maurice qu’elle épouserait volontiers le baron. Elle était sensible au titre de baronne et plus encore à la fortune qui lui assurait une existence luxueuse, à elle qui était sans dot et qui devrait, si elle ne faisait pas le riche mariage, traîner une vie médiocre.

Et cependant, maintenant qu’elle était en face de la question et obligée de donner la réponse, elle hésitait. Le baron n’avait plus les agréments de la jeunesse ; il est vrai qu’il avait la sécurité de l’âge mûr. Et puis, comme si cet amour nouveau lui avait donné un regain de jeunesse, comme si l’espoir de conquérir cette jeune et belle femme l’avait animé d’un feu nouveau, il avait en ce moment une allure plus dégagée, le teint plus frais, l’œil plus clair. Suzanne l’avait jugé d’un regard furtif. Tel qu’il était, le baron pouvait encore faire un mari très convenable.

Toutes ces pensées se bousculèrent en moins d’une minute dans sa jolie tête et celle qui resta la dernière la glaça.

— Si je refuse ce riche mariage, en trouverai-je un autre ?