Page:Olivier - Un sauvetage, 1938.pdf/39

Cette page a été validée par deux contributeurs.
37
UN SAUVETAGE

que vous avez raison : le baron n’est pas pour vous, ou plutôt vous n’êtes pas pour lui. Je lui marquerai sa place tout à l’heure. Vous avez répondu à votre père que si vous ne vouliez pas épouser le baron vous désiriez très vivement épouser M. José, et alors c’est lui qui n’a pas voulu et a opposé le veto le plus énergique. Mon avis c’est que c’est lui, cette fois, qui a raison.

— Mais, Monsieur, véritablement, je suis abasourdie…

— Ce n’est pas fini. Je vous prie simplement de reconnaître que je suis bien informé…

— Je trouve même que vous l’êtes un peu trop, Monsieur ! s’écria la jeune fille, qui contenait difficilement son impatience.

— Peut-être, Mademoiselle, mais ne vous fâchez pas. Vous trouverez peu à peu que j’ai raison, du moins, je l’espère, et alors je vous prierai de me considérer comme un ami, humblement. Permettez que je continue… Donc, ne voulant pas épouser le baron et désirant épouser José, que votre père vous refusait, vous avez décidé de partir avec lui.

Germaine se dressa d’un brusque sursaut : sa fuite manquée, l’absence de José à l’heure du départ, et, depuis, le manque de nouvelles de sa part et d’excuses d’avoir failli au rendez-vous, tout cela, et aussi la nuit de réflexions qui avait suivi, avait ouvert les yeux de la jeune fille et éclairé son cœur.

Ce cœur qu’elle croyait rempli d’amour pour le jeune homme s’était subitement dégonflé à tous ces incidents ; ils paraissaient peu de chose, mais il faut parfois peu de chose, une piqûre d’épingle pour mettre un ballon à plat.

Donc, l’amour de Germaine pour José n’était à peu près plus qu’un souvenir dont elle ne ressentait plus qu’une douleur assourdie, très vague… mais surtout un peu de honte de s’être ainsi laissée entraîner et de dépit de s’être trompée et d’avoir été traitée avec un sans-gêne aussi insolent.

Aussi, à entendre cet autre jeune homme qui n’était en somme que le secrétaire de son père, à l’entendre évoquer cette aventure qui n’était rien moins que flatteuse pour elle, elle éprouvait une gêne, une rancœur qui la révoltait. Il s’en aperçut.

— Mademoiselle, dit-il, je vous ai priée de ne pas vous fâcher et d’avoir la patience de m’écouter jusqu’au bout.