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UN SAUVETAGE

vous me redirez tout, et je me charge du reste. Votre main en signe d’alliance et je me sauve.

Suzanne resta pensive. Comment diable ce garçon savait-il tout cela : les projets de Germaine, son mariage avec le baron ?… C’est aux choses les plus simples que l’on ne pense pas. Elle fut tirée de ses réflexions par Germaine qui arrivait, l’air grave et décisif. Les deux amies marchèrent un moment en silence, puis tout à coup, d’un ton froid et irrévocable, Germaine laissa tomber ce seul mot :

— Demain.

— Demain ? répéta Suzanne, avec la peur de comprendre.

— Par le train de onze heures du soir.

— Voyons, ma petite Germaine, reprit Suzanne qui, cette fois avait compris.

Mais déjà Germaine l’interrompait !

— Suzanne, je t’en prie, je sais ce que tu vas me dire, tu me l’as déjà dit. Mais il y a un fait qui domine tout cela : nous nous aimons. J’ai compris qu’il était inutile d’en raisonner avec mon père ; à quoi bon avoir des scènes, pleurer, se fâcher ! Il vaut mieux le mettre en face du fait accompli.

— Mais pourtant, Germaine, ce jeune homme…

— Je l’aime.

— Tu ne sais même pas qui il est, ce qu’il est…

— Je te dis que nous nous aimons ; nous trouvons des obstacles, nous sautons par-dessus. Demain soir, il sera à la gare à dix heures ; moi je serai malade pour me retirer dans ma chambre de bonne heure. Je sortirai au dernier moment par la petite porte du jardin…

Suzanne avait écouté sans interrompre. Voyant qu’elle ne détournerait pas son amie de ce projet funeste et ridicule, elle avait au moins écouté pour tout redire à Maurice.

Elle en trouva le moyen le soir même.

— Que me faut-il faire ? demanda-t-elle.

— Rien, dit Maurice, ne bougez pas, ne dites rien à Germaine. Laissez-la faire et laissez-moi faire…

Maurice passa la soirée et une partie de la nuit en réflexions et la matinée du lendemain en observations. Germaine resta dans sa chambre, malade, disait-elle. Préparatifs de départ, pensa Maurice. Au déjeuner, elle parut soucieuse. Après, elle alla faire un tour de plage avec son amie. Au dîner, elle fut plus soucieuse encore. Hésiterait-elle au dernier moment ? Dès le repas fini elle remonta dans