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UN SAUVETAGE

pattes ! Non, vois-tu, nous nous aimons, et c’est tout vu, tout réfléchi, nous nous marierons…

— Pourtant, ton père…

— Nous nous marierons envers et contre tous. Mon père ne veut pas me donner son consentement, eh bien ! nous filerons.

— Oh ! Germaine, tu ne feras pas cela !

— Je ne le ferai pas ? Tu ne me connais pas ! Tu verras, nous filerons… Et le plus tôt sera le mieux. Pourquoi attendre, puisque nous sommes décidés ?

— Tu réfléchiras, Germaine.

— Une fois partis ensemble, on sera bien obligé de nous marier : mariage ou scandale.

— Allons, tu t’enflammes ! Viens plutôt prendre l’air, ça te feras du bien. Sèche tes yeux, un nuage de poudre pour effacer la trace de tes larmes, et allons faire un tour sur la plage ; le grand air nous rafraîchira les idées.

Suzanne embrassa son amie et l’amena.

La porte fermée, Maurice pénétra à son tour dans le bureau qu’elles venaient de quitter. Il se laissa tomber dans un fauteuil et se prit à réfléchir. À l’affût des nouvelles, il venait d’en apprendre plus qu’il n’en cherchait et de considérables ; et il les résumait en lui-même pour régler sa conduite : Germaine refusait le baron, mais Suzanne l’épouserait volontiers. Germaine aimait José — ça, ça pinçait au cœur le pauvre Maurice — et elle était disposée à partir avec lui, il était bien aise de le savoir, il veillerait au grain.

Elle aimait José ! En était-elle bien sûre ? De l’amour, ou bien une fantaisie passagère sans racines profondes ! Si ce José disparaissait, en éprouverait-elle un chagrin insurmontable ?

Et lui, lui qui connaissait, qui reconnaissait ce José, quel était son devoir ? Avertir le père ? Avertir la jeune fille ? Oui, plutôt ; encore y a-t-il la manière. Il lui faut jouer serré, car le danger est pressant, mais il faut agir avec tact pour ne pas effaroucher la jeune fille. Et ne pas oublier que la séparer de José ce n’est que la moitié de la besogne ; l’autre moitié, la plus délicate et la plus importante, c’est de se faire aimer de Germaine, qu’il aime.

Il s’accouda sur la table, prit sa tête entre ses mains et réfléchit profondément. Puis, brusquement, comme s’il se réveillait d’un long rêve, il se leva.