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UN SAUVETAGE

ma fille, je suis désolé de ne pas être d’accord, mais inutile d’insister.

Et Maurice, derrière son rideau, pensait :

— Bon, ils ne sont pas d’accord, c’est excellent pour le troisième larron qui surgira à son heure… Quoique cela sera peut-être pas facile…

Et il regardait Germaine, l’œil fixe, les dents serrées, l’air obstiné.

Le sénateur se leva et dit en matière de conclusion :

— C’est donc bien entendu : ton petit monsieur, jamais ! Pour le baron, tu réfléchiras, je ne veux pas te brusquer.

Il sortit et n’entendit pas la réponse de Germaine, qui se perdit dans le claquement de la porte :

— Jamais non plus !

L’ardeur de la lutte avait soutenu son courage ; mais dès qu’elle fut seule, sa belle assurance tomba, ses nerfs se détendirent et elle tomba sur une chaise en sanglotant. Maurice en eut le cœur serré.

— C’est, pensa-t-il, le moment d’intervenir.

Et il se préparait à entrer, à se présenter en ami, en consolateur, en conseiller. D’abord, il flattait les préférences de la jeune fille, puis peu à peu, par degrés insensibles et détours fleuris, il l’amenait où il voulait. Quel beau rôle à jouer !

Déjà il allait faire quelque bruit à la porte pour annoncer sa présence à la jeune fille qui sanglotait toujours, et il soulevait la portière, mais il la laissa brusquement retomber et resta immobile et silencieux ; on frappait à la porte, là-bas, et on entra aussitôt.

C’était Suzanne qui venait retrouver son amie. Elle la vit en larmes et se précipita vers elle.

— Tu pleures ?…

Germaine leva son beau visage baigné de larmes ; le chagrin la rendait plus touchante encore.

— Il y a bien de quoi, répondit-elle en haletant.

— Qu’y a-t-il donc ? Raconte vite.

Les deux amies n’avaient pas de secret l’une pour l’autre. Maurice le savait et il se trouva très heureux de n’avoir pas bougé. Après la scène entre le père et la fille, il allait donc entendre les confidences des deux amies ; décidément, le hasard le servait bien.

En effet, Germaine raconta à Suzanne ce qui venait de se passer.