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UN SAUVETAGE

chambre de Maurice, et ils auraient vu la portière remuer imperceptiblement.

— Ça va chauffer, pensa Maurice.

— Voyons, voyons, continuait le sénateur après un moment de silence, entendons nous et mettons les choses au point : le baron est venu me demander ta main.

Germaine bondit :

— Le baron ! Jamais ! jamais ! entendez-vous…

— J’entendrais même si tu criais moins fort, répliqua le sénateur, plus calme. Et pourquoi n’accepterais-tu pas ? La situation est très belle. Le baron est immensément riche, un nom…

— Peut-être, mais le bonhomme ! Regardez donc le bonhomme…

— Sois un peu plus respectueuse, je te prie.

— Je veux bien être respectueuse pour le baron par égard pour son âge, j’allais dire pour ses cheveux blancs, mais ce serait mal parler car il les teint assez bien.

— Allons, le sarcasme, maintenant… Et tu exagères…

— Peut-être un peu, je vous l’accorde ; mais voyons, à son âge on ne vient pas demander la main d’une jeune fille.

— Il y en a pourtant beaucoup qui, à ta place, seraient heureuses et flattées et accepteraient avec joie.

— Eh bien, qu’il s’adresse à l’une d’elles.

— Mais pourtant, tout à l’heure, tu paraissais contente.

— C’est qu’il y avait confusion de personne.

— Tiens, tiens ! À qui donc pensais-tu ?

Germaine hésita un moment à lâcher son secret, mais elle pensa qu’un peu plus tôt ou un peu plus tard, il faudrait en arriver là, et elle se risqua crânement.

— À M. José de Manaos, dit-elle.

— José ? s’écria le sénateur en bondissant à son tour, j’ai bien compris, José, ce petit sauteur, ce petit pistolet ?…

— Il vaut bien le baron, riposta Germaine, vexée.

— Ce petit propre à rien, qui vient d’on ne sait où et vit d’on ne sait quoi, il devait venir me demander ta main… et vous vous êtes entendus pour cela ?… Mais tu t’égares, voyons, Germaine, tu t’égares… Et c’est pour ce paltoquet que tu refuses le baron ?…

— Énergiquement ! Jamais je n’épouserai le baron.

— Peut-être, tu réfléchiras ; mais ce que je peux t’assurer, c’est que jamais tu n’épouseras ce M. José ; pour cela