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UN SAUVETAGE

ment. Il n’avait d’ailleurs aucun titre pour cela. Au contraire, partant de ce principe que pour combattre son ennemi il faut d’abord le bien connaître, il se mit à fréquenter le jeune homme, à l’étudier, à l’examiner. Ce travail ne lui fut pas inutile ; au bout de quelques jours, les observations de Maurice se résumaient en ces simples mots :

— C’est lui, c’est bien lui, c’est « Jujube ».

Dès lors, Maurice fut plus tranquille et, à peu près sûr de tenir son homme, il se contenta de surveiller de près ses rapports avec Germaine. Cependant, à les voir assis ainsi l’un près de l’autre et causant à voix basse, il en eut un petit frisson au cœur. Il pensa qu’il serait peut-être temps d’entrer en scène s’il ne voulait pas arriver trop tard.

Le soleil était descendu derrière les falaises, l’air se faisait plus vif ; quelqu’un proposa de marcher un peu et tous se levèrent.

Ils virent alors arriver vers eux une femme, trottinant, se dandinant, se trémoussant, une femme que l’on aurait pu prendre d’assez loin pour une jeune et jolie femme. Un examen à distance honnête aurait révélé que les artifices étaient pour beaucoup dans ce premier et rapide jugement. Mme Agathe de Saint-Crépin portait des jupes très courtes et se trémoussait pour se donner l’allure jeune, mais elle était trahie par des mollets raides et desséchés. Et si elle avait à distance une expression de relative jeunesse, on connaissait de près qu’elle le devait au noir de ses yeux et au rouge de ses lèvres.

Elle s’approcha avec de petits cris, de petits rires et des exclamations joyeuses et puériles.

— Oh ! cher Monsieur… comment ça va ?… Et vous… et ces chères demoiselles…

On l’accueillit avec des sourires, et quand elle eut serré toutes les mains qui se tendaient vers elle, la petite troupe se mit en marche. La promenade, mieux encore, favorisa les rapprochements et groupements par préférences. Venaient d’abord Germaine entre le baron et José, et derrière Maurice entre Mme de Saint-Crépin et Suzanne. Gilbert trouva vite un prétexte pour s’en aller. Alors Suzanne quitta Maurice et rejoignit le baron ; peu à peu ce premier groupe se sépara : Suzanne resta avec le baron et Germaine, avec José, ne tardèrent pas à prendre les devants.

Maurice restait derrière et observait. Cependant Mme de Saint-Crépin minaudait :