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était extrêmement primitive. On passait les feuilles à la vapeur, on les écrasait dans un mortier, on en faisait un gâteau et on les mettait bouillir, avec du riz, du gingembre, de l’écorce d’orange, des épices, du lait et, quelquefois, des oignons — coutume encore florissante aujourd’hui chez les Thibétains et dans diverses tribus mongoles, qui composent avec tous ces ingrédients un étrange sirop. L’usage des tranches de citron si cher aux Russes, lesquels doivent leur connaissance du thé aux caravansérails chinois, est une survivance de cette ancienne méthode.

Il fallut le génie de la dynastie Tang pour émanciper le thé de cet état grossier et le hausser à son idéalisation définitive. Luwuh, qui vivait au milieu du huitième siècle, est le premier apôtre du thé. Il était né à une époque où le bouddhisme, le taoïsme et le confucianisme cherchaient une synthèse commune. Le symbolisme panthéiste d’alors prétendait refléter l’universel dans le particulier. Luwuh, en vrai poète qu’il était, découvrit dans le « service du thé » le même ordre et la même harmonie qui régnaient