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sonne ne peut l’ignorer qui connaît la culture japonaise. Il a pénétré aussi bien dans les maisons les plus nobles et les plus élégantes que dans les plus humbles demeures. Il a appris à nos paysans l’art d’arranger les fleurs, il a enseigné au plus simple travailleur le respect des rochers et de l’eau. Dans notre langage usuel l’on dit volontiers, en parlant d’un homme insensible aux épisodes sério-comiques du drame individuel, qu’il « manque de thé » ; et l’on flétrit, au contraire, l’esthète grossier qui, indifférent à la tragédie mondaine, s’abandonne sans mesure, en toute liberté, au courant de ses émotions, en disant qu’il a « trop de thé ».

Un étranger s’étonnera sans doute que l’on puisse faire à ce propos tant de bruit pour rien. « Quelle tempête dans une tasse de thé ! » dira-t-il. Mais si l’on considère combien petite est, après tout, la coupe de la joie humaine, combien vite elle déborde de larmes, combien facilement, dans notre soif inextinguible d’infini, nous la vidons jusqu’à la lie, l’on ne nous blâmera pas de faire tant de cas d’une tasse de thé. L’humanité