Page:Okakura - Le livre du thé, 1927.djvu/169

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 157 —

du maître irrité : le seul privilège qu’il consentît à accorder à celui qu’il avait condamné était l’honneur de mourir de sa propre main.

Au jour fixé pour son propre sacrifice, Rikiu invita ses principaux disciples à la dernière cérémonie du thé. À l’heure indiquée, les invités se rencontrèrent tristement près du portique. Comme ils parcouraient du regard l’allée du jardin, les arbres leur parurent frissonner et ils entendirent passer dans le bruissement de leurs feuilles les soupirs des fantômes sans asile. Les lanternes de pierre grise étaient pareilles à des sentinelles solennelles devant les portes d’Hadès. Mais une vague d’encens précieux leur arrive de la Chambre de thé ; c’est l’appel qui ordonne aux invités d’entrer. Un à un, ils s’avancent et prennent place. Dans le tokonoma est suspendu un kakémono où sont écrites les merveilleuses réflexions d’un vieux moine sur l’anéantissement de toutes les choses terrestres. Le bruit de la bouilloire qui bout sur le brasier ressemble au chant d’une cigale exhalant sa tristesse à l’été