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étaient toujours prêts à entrer dans l’inconnu. Le « Dernier thé de Rikiu » se présentera toujours à mon esprit comme le sommet de la grandeur tragique.

L’amitié était vieille qui unissait Rikiu et le Taïko Hideyoshi et haute l’estime où le grand guerrier tenait le maître de thé. Mais l’amitié d’un despote est toujours un dangereux honneur. C’était un temps où régnait la trahison et où les hommes n’avaient pas même confiance en leur parent le plus proche. Rikiu n’était point un courtisan servile et souvent il avait eu l’audace de contredire son orgueilleux patron ; d’où, prenant avantage de la froideur qui existait depuis quelque temps entre le Taïko et Rikiu, les ennemis de ce dernier l’accusèrent d’avoir pris part à un complot pour empoisonner le despote. On murmura aux oreilles de Hideyoshi que le breuvage fatal devait lui être administré dans une coupe de boisson verte préparée par le maître de thé lui-même. Le moindre soupçon suffisait à Hideyoshi pour le décider à une exécution immédiate et il n’y avait point d’appel possible à la volonté