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mettons-nous pas au nom de la culture et du raffinement !

Dites-moi, gentilles fleurs, larmes des étoiles, qui restez là dans le jardin, balançant vos têtes au gré des abeilles qui chantent la rosée et le soleil, connaissez-vous le terrible destin qui vous attend ? Rêvez, balancez-vous, folâtrez tant que vous pouvez parmi les douces brises de l’été. Demain, une main impitoyable vous étreindra à la gorge ; vous serez arrachées brutalement, mises en pièces membre à membre, emportées loin de vos paisibles demeures. La malheureuse, elle passera pour belle ! Elle pourra dire combien vous étiez charmantes alors que ses doigts seront encore tout mouillés de votre sang ; dites, sera-ce là de la bonté ? Ce sera peut-être votre destin, d’être emprisonnées dans les cheveux d’une que vous savez sans cœur ou serrées dans la boutonnière d’un qui n’oserait pas vous regarder en face si vous étiez un homme. Ce sera peut-être votre lot d’être enfermées dans quelque vase étroit, avec un peu d’eau stagnante pour apaiser la soif affolante qui avertit que la vie s’écoule.