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on trouve un corps à demi consumé à l’intérieur duquel repose, épargné par les flammes, l’inestimable trésor. Pour tragique que soit cette histoire, elle montre, en même temps que la fidélité d’un samouraï, quel prix nous savons attacher à un chef-d’œuvre.

N’oublions pas, cependant, que l’art n’a de valeur que dans la mesure où il parle à notre cœur. Il peut devenir une langue universelle si nous-mêmes savons être universels dans nos sympathies. Notre nature bornée, la force de la tradition et des conventions, tout comme nos instincts héréditaires, restreignent notre capacité de jouissance artistique. Notre individualité même fixe aussi, jusqu’à un certain point, des limites à notre compréhension et notre personnalité esthétique cherche surtout ses propres affinités dans les créations du passé. Il est vrai, d’autre part, que, par la culture, notre sens de l’art s’élargit et que nous devenons chaque jour plus capables de jouir de nouvelles expressions de beauté auxquelles nous étions hier encore insensibles. Mais, après tout, n’est-ce pas seulement notre propre