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Ce conte montre combien le sens de l’art est chose mystérieuse. Un chef-d’œuvre est une symphonie jouée avec nos sentiments les plus raffinés. L’art vrai, c’est Peiwoh et nous sommes la harpe de Lungmen. Au contact magique du beau, les cordes secrètes de notre être se réveillent ; en réponse à son appel, nous vibrons et nous tressaillons. L’esprit parle à l’esprit. Nous entendons ce qui n’a pas été dit, nous contemplons l’invisible. Le maître fait jaillir des notes, nous ne savons d’où. Des souvenirs, depuis longtemps oubliés, nous reviennent chargés d’un sens nouveau. Des espoirs étouffés par la crainte, des élans de tendresse que nous n’osons pas reconnaître s’offrent à nous, parés d’une splendeur nouvelle. Notre esprit est la toile sur laquelle l’artiste pose ses couleurs ; les teintes sont nos émotions et le clair-obscur est fait de la lumière de nos joies et de l’ombre de nos tristesses. Le chef-d’œuvre est en nous et nous sommes dans le chef-d’œuvre.

La communion de sympathie qui est nécessaire à l’éclosion du sens de l’art a pour base des concessions mutuelles. Le specta-