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— Ma foi, oui.

— Eh bien ! venez avec moi.

À l’avant, sur des caisses vides, un couvert fort sommaire était dressé. Du pain, du jambon, un fromage de Gorgonzola, des pommes, et du vin blanc dans des fiasques.

— Asseyez-vous, monsieur, dit le patron, en montrant à Pierre une place auprès de lui, et servez-vous à votre volonté.

La chère était appétissante, le peintre y fit honneur. Tout en mangeant, il remarquait que ses compagnons restaient silencieux.

— Est-ce moi qui vous gêne, pour parler ? demanda-t-il tout à coup. J’en serais désolé.

Le patron le regarda tranquillement :

— Non ! Mais nous vivons toujours ensemble, et nous n’avons pas grand’chose à nous raconter… Et puis, la mer empêche d’être causeur : elle parle toujours. C’est la grande bavarde, et le marin l’écoute.

Les autres approuvèrent de la tête. Alors Pierre versant du vin dans un gobelet de fer-blanc et le levant à la hauteur de son visage :

— À votre santé, mes amis.

Ils levèrent leur verre, et gravement répondirent :

— À votre santé.

Et, après avoir bu du café brûlant et d’excellent rhum, sans plus s’éterniser à table, chacun se mit sur ses pieds et s’en fut à sa besogne. La journée passa avec une rapidité incroyable, et, le soir, le cotre entrait dans le port de Bastia.

Le lendemain matin, la Santé ayant visé la patente du petit bateau, l’équipage eut le droit de descendre à terre. Agostino, s’attachant à Pierre, le fit asseoir à côté de lui, à l’avant de la chaloupe. Il semblait lui faire les honneurs de son pays. Du