la poitrine du jeune homme. Au milieu de ces inconnus, il se sentit dégagé d’un poids écrasant. Il lui sembla qu’il n’était plus lui-même, et que le Pierre Laurier, insensé et malade, dormait maintenant au fond de la mer, balancé, blême et inerte, par la houle des grèves. Il poussa un soupir, qui vibra dans le silence, et, à mi-voix, il murmura :
— C’est vrai, je suis mort !
— Est-ce que vous désirez quelque chose ? demanda le Provençal qui veillait, à deux pas de lui.
— Ma foi ! mon cher camarade, puisque vous faisiez la contrebande des cigares, vous avez bien dû en garder une petite provision à bord. J’avoue que je fumerais avec plaisir.
— Facile !…
Il se pencha sur l’écoutille et prononça quelques paroles. Il remonta bientôt, avec un paquet entouré de rubans jaunes, qu’il tendit à Pierre :
— C’est le patron qui vous les envoie, et il me charge de vous dire qu’Agostino est tout à fait revenu à lui… Pauvre garçon ! S’il était resté au fond il y aurait eu bien des larmes répandues à Torrevecchio…
— Où prenez-vous Torrevecchio ?
Le Provençal étendit la main sur la mer, vers l’horizon :
— Là-bas, dit-il ; en Corse…
Il battit le briquet, et tendant l’amadou enflammé :
— Tenez, voilà du feu.
Pierre choisit un cigare long et brun, l’alluma avec soin et, avec une volupté profonde, poussant de rapides bouffées :
— Dites-moi, où va le bateau, en ce moment ?
Le Provençal hocha la tête :
— Il n’y a que le patron qui le sache… Nous avons le cap sur l’île